Le fondamentalisme religieux serait-il l’ennemi de l’humanité ?

Au moment où les autorités publiques d’un grand nombre d’États demandent à leur population de restreindre drastiquement leurs contacts, des leaders religieux de tous les courants exhortent leurs fidèles à se réunir au mépris de leur sécurité, minorent le danger du virus en affirmant qu’ils sont immunisés par la foi ou prétendent qu’il s’agit d’une punition divine.

Cet article est issu du Hors-série des Actualités de l’Unadfi // Spécial Covid-19 paru le 31 mars 2020. Consulter le dossier complet  : https://www.unadfi.org/aide-aux-victimes/demander-de-laide/actualites-communiques/hors-serie-actualites-de-lunadfi-special-covid-19/ )

« Nous exhortons toutes les organisations et tous les groupes à annuler les grands rassemblements et à écouter les représentants de l’État. Ce n’est pas une question politique, c’est une question de santé publique et de bien-être. » C’est en ces termes que le chef Roger Corcoran du Département de la police de Centrale City (Louisiane) s’est exprimé pour amener Tony Spell, le pasteur de Life Tabernacle Church à respecter les consignes du gouverneur John Bel Edwards limitant les rassemblements à 50 personnes. Depuis plusieurs jours, ses services religieux réunissent entre 300 et 1800 fidèles qui, selon des riverains inquiets, ne respectent pas les mesures de distanciation sociale. Ce pasteur considère son Église comme « un aliment de base dans la communauté et ne peut pas se permettre de fermer. », tout comme les magasins essentiels autorisés à demeurer ouverts. Spell pense que la peur du coronavirus est instillée dans la société pour des raisons politiques. Il prétend « qu’une pandémie peut être guérie grâce à la main guérisseuse de Jésus » et affirme : « si quelqu’un dans sa congrégation contracte le virus, il le guérira par Dieu ».

 Il est loin d’être le seul dans son cas, d’autres pasteurs continuent de faire la sourde oreille aux recommandations des autorités publiques. Le pasteur Guillermo Maldonado, du King Jesus International Ministry, une méga-église de Kendall, en Floride, a encouragé sa congrégation à continuer ses rassemblements en minimisant le danger du virus… Un autre proche de Trump, le pasteur climato-sceptique Rodney Howard-Browne a encouragé ses fidèles à se serrer la main lors de son service religieux à Tampa, en Floride.

 Aux États-Unis toujours, le cardinal Raymond Burke a écrit que « Les évêques et les prêtres doivent expliquer publiquement la nécessité pour les catholiques de prier et d’adorer dans leurs églises et chapelles, et de se déplacer en procession dans les rues pour demander la bénédiction de Dieu sur son peuple » et « admet, « sans aucun doute », que « de grands maux comme la peste sont l’effet de nos péchés actuels ». »

Plus marginal, le magnat milliardaire conservateur, David Green, propriétaire de la chaîne de magasin Hobby Lobby, a décidé d’ouvrir ses magasins car sa femme, Barbara, une « guerrière de la prière », selon ses mots, aurait reçu un message de Dieu. Dans une lettre à ses employés il écrit : « Nous servons un Dieu qui nous guidera à travers cette tempête, qui nous gardera pendant que nous voyageons dans des endroits jamais vus auparavant et qui, à la suite de cette expérience, nous soignera pour être meilleurs que nous n’aurions jamais pu imaginer auparavant. » Il a décidé de ne pas payer ceux qui refuseraient de travailler.

En Corée, après la secte Shincheonji, un nouveau foyer épidémique a pour origine la Communauté du Fleuve de Grâce, une église évangélique dont les fidèles avaient continué de se réunir tous les jours pendant deux semaines en dépit des consignes des autorités locales de s’abstenir d’organiser des rassemblements. Les fidèles auraient pu être infectés par un spray d’eau salée pulvérisé dans la bouche de chacun d’eux à des fins de désinfection au début des offices.

En Allemagne, Michael Arndt, métropolitain de l’Église orthodoxe russe, affirme que « le virus est la juste punition de Dieu pour l’euthanasie, la transsexualité, les avortements et la maternité de substitution. Seule solution : se repentir, prier matin et soir et jeûner. »

En Grèce, un évêque orthodoxe poursuit ses célébrations religieuses et la communion car, selon lui, il est blasphématoire de prétendre qu’elle favoriserait la transmission du virus.

La France, elle aussi n’est pas épargnée par les recommandations de leaders religieux qui contredisent et brouillent celles des pouvoirs publics.

Méprisant les consignes du gouvernement, les catholiques traditionalistes de la Fraternité Saint Pie X et de la Fraternité Saint Pie V se sont réunis pour célébrer des messes, pour les premiers à Saint-Romain-de-Jalionas, près de Lyon et pour les seconds à Nantes.

D’autres proposent des solutions miracles pour s’immuniser contre le virus, à l’image de l’Imam salafiste de Brest, Rachid Eljay qui conseille, dans une vidéo de six minutes, de prononcer une « invocation » religieuse trois fois le matin et trois fois le soir pour se prémunir du virus. Selon lui, « c’est une parole prophétique. Et la parole du prophète est véridique ».

En Suisse, Hani Ramadan, le frère de Tariq, préconise la prière contre le virus causé selon lui par les hommes qui se « livrent ouvertement à la turpitude, comme la fornication et l’adultère ».

Au Pakistan, des imams insistent aussi sur la nécessité pour les musulmans d’être assidus dans leurs prières » car « Allah protège les croyants », et les exhortent à ne pas « laisser ce virus vider les mosquées ».

En Israël, des centaines de nouveaux cas ont été recensés dans des enclaves ultra-orthodoxes avec un taux de croissance qui dépasserait de loin la moyenne nationale. Le virus se propagerait plus rapidement dans ces communautés en raison du manque d’information et d’accès aux médias.

L’aveuglement religieux ne serait-il pas un facteur aggravant de la propagation de l’épidémie et un danger pour la santé publique ?

 (Sources : Yna.co & Alternet.com, 16.03.2020, Le Journal de Montréal, 21.03.2020, Patheos, 22.03.2020, Taz.de, 22,03,2020, Charlie Hebdo, 24.03.2020, Knoe.com, 25.03.2020)

  • Auteur : Unadfi