Sri Sri Ravishankar, fondateur de The Art of Living, est un gourou « superstar » qui compterait 20 millions d’adeptes à travers le monde. Parmi ces admirateurs, le vice-président américain Joe Biden. Acclamé comme une rock star, ce chef spirituel est sur le point de devenir l’un des hommes les plus puissants et influents d’Inde.
Ce gourou spirituel qui fut appelé à être candidat au prix Nobel de la paix est aussi un acteur de la scène de la politique mondiale. En Inde, dans la perspective des élections législatives, bien que n’étant pas candidat lui-même, il a été au cœur d’une campagne « Je vote pour une Inde meilleure ». Son objectif était d’atteindre les 80 millions de militants, notamment parmi les jeunes, public qui n’est traditionnellement pas une cible électorale en Inde alors que les moins de 35 ans représentent 65% des électeurs.
Et il y réussit. Son charisme et ses talents de maître spirituel attirent. Il est capable de rassembler plus de 250 000 personnes. Vêtus de robes blanches avec des longs cheveux noirs, hypnotisant la foule par un discours empreint de spiritualité, il réussit à faire passer des messages politiques en s’abstenant, ouvertement, de soutenir tel ou tel candidat. Il s’avérerait néanmoins possible qu’il ait soutenu le candidat hindouiste nationaliste, Narendra Modi, leader du BJP (lire ci-contre). Modi, qui était pressenti comme le candidat le plus apte à renverser le gouvernement, est un leader religieux hindouiste et un puissant homme d’affaires.
Sri Sri Ravishankar semble en effet de plus en plus enclin à explorer les arcanes du pouvoir politique et économique. Il est le co-fondateur du Leadership Symposium international sur l’éthique dans le milieu des affaires qui organise une conférence annuelle au Parlement européen à Bruxelles. Certains critiquent son lobbying en disant qu’un leader spirituel ne devrait pas se mêler de la politique. D’autres l’excusent : « Il devrait y avoir de la spiritualité dans les affaires et dans la politique et des affaires et de la politique dans la spiritualité ». Ces derniers n’hésitent pas à le comparer au Dalaï Lama. Comme lui, il enseigne la méditation, a sa propre forme de yoga et de respiration appelée Sudarshan Kriya. Il enseigne ce qu’il nomme « la connaissance » ou « la sagesse ».
Présenté comme un acteur de l’humanitaire, Sri Sri Ravishankar était en Australie en 2009 en tant que conférencier d’honneur pour le Parlement des Religions du Monde à Melbourne. Il se déplace sur les points chauds du globe pour « essayer d’aider à résoudre les conflits ». L’ancien vice-Premier ministre irakien Ahmed Chalabi a dit de lui qu’il était « un grand homme ». François Gautier, journaliste politique français, a déclaré dans un éditorial qu’il pourrait devenir prix Nobel de la paix « parce qu’il est un homme universel œuvrant pour la paix ». Le journaliste ne voit aucune contradiction entre son rôle de leader spirituel et ses activités sociales. Le gourou prétend que les deux se complètent : « Ce n’est que lorsque nous aurons la paix intérieure qu’il y aura la paix à l’extérieur et c’est seulement quand nous aurons atteint la paix extérieure que nous trouverons la prospérité, un monde sans violence et sans stress ».
La voix des détracteurs de Sri Sri Ravishankar (et la liste de griefs à son encontre : sens des affaires, alliances politiques, manque de transparence de ses ONG) sont étouffées par celles de ses millions d’adeptes. Son immense popularité est moins liée à ses actions humanitaires qu’à sa capacité à profiter de cet engouement pour le spirituel à l’Est comme à l’Ouest. Il sait également surfer sur la vague du bien-être : « Santé et bien-être », « longévité », « bonheur et paix intérieure » reviennent régulièrement dans ses discours et sont les nouveaux leitmotive de The Art of Living.(1)
(Source : The Australian, 10.05.2014)
(1) [Sur son site, The Art of Living mêle spirituel et bien-être. Des stages de cuisine végétarienne, de hata yoga et d’autres y sont proposés. http://www.artofliving.org/fr-fr]
