Quid du masculinisme ? Pour faire simple, on peut dire que le terme est utilisé pour désigner l’ensemble des idées et des mouvements qui s’opposent au féminisme.
Apparu dans les années 1980, le masculinisme naît du postulat qu’il y aurait une « crise de la masculinité ». Il considère le féminisme comme une menace pour la société. Selon l’historienne Christine Bard, il appellerait donc les hommes à se révolter, à organiser la résistance, à restaurer l’identité virile perdue et à revendiquer des droits.
L’idéologie masculiniste se divise en plusieurs tendances : les Pick-up artists (sorte de coachs en séduction), les Men Going Their Own Way (des hommes qui souhaitent se désengager des relations hommes-femmes), les Men’s Right Activists (qui considèrent que les avancées féministes discriminent les hommes) ou encore les célibataires involontaires (qui se définissent comme incapables de trouver une partenaire amoureuse ou sexuelle et en nourrissent une frustration pouvant les conduire au passage à l’acte violent).
En 2023, un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes alertait sur la hausse des clichés « masculinistes » et une plus grande affirmation d’une « masculinité hégémonique » parmi les hommes de moins de 35 ans. Un an auparavant, c’est la Miviludes qui mettait en garde contre l’essor de cette idéologie.
Proche des discours complotistes
La rhétorique intègre de nombreux éléments propres aux discours complotistes. Les masculinistes dénoncent une « société qui serait devenue gynocentrée […] avec le soutien de forces qui font bloc : les gouvernements (habitués à sacrifier leur population masculine à la guerre) les industries pharmaceutiques (qui appauvrissent les hormones de la masculinité) ou encore le capitalisme néolibéral (qui dérégule jusqu’au marché amoureux et encourage l’hypergamie féminine pour mieux exploiter les hommes) », expliquent les deux chercheurs Céline Morin et Julien Mésangeau. Ainsi, à l’instar des complotistes, les masculinistes s’en prennent aux médias, au grand capital, à l’État, au système ou encore aux lobbies. « Dans la nano sphère, l’insistance est particulièrement forte contre ce qu’ils qualifient d’études manipulées. L’inégalité salariale serait ainsi un fantasme victimaire » poursuivent Céline Morin et Julien Mésangeau.
Dans un rapport publié en 2020, l’agence européenne de police criminelle Europol notait que « l’antiféminisme a été intégré à la théorie du complot du grand remplacement, adoptée par de nombreux courants de l’extrémisme de droite ». Selon cette théorie, « le féminisme aurait été inventé pour détourner les femmes de leur rôle « naturel » de mère et, par conséquent, est tenu pour responsable de la baisse des taux de natalité dans les pays occidentaux, ce qui permet aux immigrés de devenir majoritaires plus rapidement ».
Une idéologie amplifiée par des influenceurs
Aujourd’hui, l’idéologie masculiniste est diffusée et amplifiée par de nombreux influenceurs. C’est notamment le cas d’Andrew Tate, ancien kickboxeur américo-britannique qui considère qu’une femme est « responsable des viols qu’elle a subis », de Nick Fuentes, auteur du slogan « Ton corps, mon choix » ou du psychologue canadien Jordan Peterson. En France, de nombreux internautes et personnalités médiatiques comme Julien Rochedy (ex-directeur du Front National de la jeunesse) ou encore Thaïs d’Escufon (ancienne porte-parole de Génération identitaire), se sont appropriés les discours masculinistes. Killian Sensei, coach sportif suivi par 190 000 personnes sur YouTube, est convaincu que « les élites créent la discorde en manipulant les femmes ». Le tiktokeur complotiste Valérian Ronzeau, entre deux conseils pour « rétablir la masculinité sauvage », s’attaque lui aussi aux élites qui, selon lui, « ont tout fait pour que les femmes puissent se trimballer en mini-jupe dehors [car] ils savent très bien que cela va déclencher des pulsions que les faibles n’arriveront pas à maîtriser […]. En fait, ils veulent [nous] maintenir en médiation long terme pour te lobotomiser, pour te rendre inoffensif, inefficace ».
Plus récemment, en novembre 2024, Alain Soral se réjouissait de la victoire de Donald Trump saluant « le retour de la virilité intellectuelle. Je rappelle que la phrase qui l’a lancé en politique pour moi, en 2016, c’est quand il répond à une journaliste tapin, typique journaliste hôtesse, sur des histoires de machisme, il dit : « je crois qu’on n’a plus vraiment le temps pour le politiquement correct […]. Sous-entendu, reparlons de choses sérieuses, c’est-à-dire remettons un peu de la couille dans le débat ».
(Source : Conspiracy Watch, 27.11.2024)
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