Le marché des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique

Dans son édition du 20 mars 2019, l’Express a publié un dossier intitulé Médecines douces : Gare aux charlatans. L’hebdomadaire analyse ces PNCAVT qui, profitant de l’attrait des individus pour la santé et le bien-être, constituent un véritable marché lucratif. Ce marché est l’une des portes d’entrée privilégiée pour les mouvements sectaires.

Depuis quelques années, la multiplication des salons du bien-être dans l’hexagone illustre la cote grandissante des pratiques non conventionnelles. Le bien-être et la santé constituent aussi une manne financière importante pour les maisons d’édition. Ce secteur en croissance constante occupe une place importante dans les librairies. La presse se fait aussi régulièrement le relai de différentes méthodes sans s’interroger sur leur fondement scientifique. Serge Blisko, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) confirme cette aspect lucratif et note que ce secteur entraîne la création d’un véritable système de santé parallèle. Aussi, la santé et le bien-être représentent-ils aujourd’hui la principale thématique des signalements faits à la Miviludes, les PNCAVT comprenant une myriade de méthodes prétendant guérir l’ensemble des maux physiques et psychologiques. Au-delà de l’idéologie d’un mode de vie soi-disant « naturel », la défiance envers la médecine, les nombreux scandales sanitaires ou liés tant aux effets délétères du lobbying de l’industrie pharmaceutique que de divers corporatismes, les « dysfonctionnements éthiques » de certaines agences, la crise liée aux effets des « réformes » du secteur de la santé, nourrissent la défiance populaire et le recours aux PNCAVT. Les prosélytes de ces pratiques trouvent avec Internet un relai publicitaire de premier choix, les listes de « thérapeutes » en tout genre n’arrêtant pas de s’allonger.

L’Express illustre ce propos dans un encart consacré à Thierry Casasnovas, le gourou du crudivorisme qui utilise les réseaux sociaux pour propager ses théories. Sa chaîne YouTube, Regenere, propose plus de 1 200 vidéos qui comptabilisent plus de 67 millions de vues. Il conseille entre autre l’utilisation d’extracteur de jus qu’il vend sur son site, et dispense aussi des formations couteuses. Il encouragerait ses adeptes à interrompre leur traitement médical et à couper les liens avec leurs proches… Depuis 2014, la Miviludes a reçu plus de 305 signalements et interrogations sur le personnage et ses techniques. A l’heure où des mesures sont prises pour enrayer la présence des mouvements anti-vaccins sur la toile, les PNCAVT ne semblent pourtant pas être inquiétées…

Les PNCAVT s’introduisent aussi dans les centres de soin aux côtés des professionnels de santé qualifiés. Anne Josso, secrétaire générale de la Miviludes, alerte sur le fait que les agences régionales de santé n’ont pas tous les outils juridiques pour pouvoir agir quand il y a confusion des genres. Certaines pratiques sont même enseignées dans les facultés de médecine, ce qui ne vaut en aucun cas validation scientifique mais concourt pourtant à entretenir un flou qui laisse exciper d’une pseudo « légitimité ».
Santé et bien-être intéressent aussi les mouvements sectaires qui y trouvent un intérêt financier et une possibilité de recruter des adeptes. La police et la gendarmerie s’organisent pour combattre les escrocs et les méthodes les plus déviantes mais la lutte contre ces charlatans s’avère difficile car les victimes sont très rares à porter plainte. On constate pourtant de manière récurrente chez ces praticiens déviants un discours commun : critique de la médecine, promesse de guérison miraculeuse, utilisation d’un jargon pseudoscientifique ou d’études peu scrupuleuses pour justifier leurs méthodes.

L’explosion des formations aux PNCAVT

Pour les praticiens, la formation se révèle être bien plus lucrative que l’exercice. Les montants des formations sont souvent exorbitants. Dans ce marché de la formation aux pratiques alternatives, l’offre de formations rencontre une demande grandissante. Des sites Internet en assurent le recensement et la promotion, promettant aux adeptes de ces méthodes de devenir à leur tour praticiens. Professionnels de santé et personnes en reconversion peuvent être attirés par ces formations trompeuses sans fondement scientifique et sans qualification reconnue.

Des diplômes universitaires (DU) d’acupuncture, de sophrologie ou encore d’EMDR sont proposés par certaines universités. Jean Sibilia, président de la conférence des doyens des facultés de médecine, rappelle que ces DU ne représentent que de simples éléments de connaissance non obligatoires et ne permettant en aucun cas d’exercer. Ces DU représentent cependant une aubaine économique pour les universités. En effet les frais d’inscription sont élevés, les méthodes d’apprentissage peu onéreuses (visioconférence, cours en ligne…) et le nombre d’étudiants n’est pas toujours limité. L’enseignement de certaines méthodes dans les universités participe à leur légitimation auprès du grand public malgré l’absence de bases scientifiques validées.

(Source : L’Express, n°3533 20.03.2019 au 26.03.2019)