La santé : un juteux marché pour gourous et autres charlatans

Les malades sont des proies faciles pour les mouvements à caractère sectaire. À leurs demandes légitimes de recherche de mieux-vivre, d’atténuation de leurs souffrances voire de guérison, les personnes vulnérabilisées par la maladie peuvent recevoir des réponses d’escrocs.

Depuis longtemps, la santé est une porte d’entrée pour les mouvements à caractère sectaire. Catherine Picard, présidente de l’UNADFI, précise que « La santé est incluse dans tous les dogmes sectaires ». L’Ordre du Temple solaire en est un exemple : le mouvement attirait les recrues par la recherche du bien-être1. Les sectes autrefois bien identifiées présentent aujourd’hui une grande capacité de mutation rapide et ont cédé la place à une multitude de praticiens proposant des offres de soins.

Les mouvements sectaires poursuivent depuis toujours trois grands objectifs inavoués : la main d’oeuvre gratuite, les faveurs sexuelles et l’argent. Pour atteindre ce troisième objectif le domaine de la santé est une source on ne peut plus lucrative. Comme le précise Chantal Gatignol, conseillère santé à la Mission de vigilance et de lutte contre les mouvements sectaires (Miviludes), « les mouvements sectaires ont compris qu’il y avait là un gros marché, avec des risques moindres ».
Les techniques d’emprise sont classiques et consistent à faire adhérer une personne à une démarche et à intégrer un circuit. Plus la personne poursuit la démarche, plus elle s’enfonce dans l’emprise, plus elle s’isole de ses proches et plus grand est le risque qu’elle abandonne le circuit de soins conventionnels.
Les victimes sont de plus en plus nombreuses : 40% des signalements annuels enregistrés par la Miviludes concernent le domaine de la santé. D’un côté l’offre en matière de santé et d’épanouissement personnel a augmenté et s’est diversifiée. De l’autre, les patients cherchent de plus en plus à maîtriser leur santé et sont encouragés à l’automédication.
Comme l’explique Samir Khalfaoui, autre conseiller santé à la Miviludes, « la banalisation de nouvelles pratiques, y compris charlatanesques, permet aux mouvements sectaires de s’attaquer au système conventionnel ». Beaucoup prétendent s’inspirer de bases scientifiques donnant l’impression qu’ils proposent une médecine à la portée de tous : ils inventent un néo-langage où se mêlent vocabulaire scientifique et vocabulaire courant et parviennent ainsi « à donner à ces méthodes une apparence de sérieux, alors qu’elles sont le plus souvent illusoires » précise Samir Khalfaoui.
Les cibles privilégiées sont les personnes atteintes du cancer et du sida. Pour d’autres maladies (comme le diabète) l’offre tourne autour de l’hygiène de vie, l’alimentation, l’activité physique… Dans les méthodes proposées, des recommandations réalistes se mêlent aux conseils les plus farfelus.
Il est d’autant plus difficile pour les malades de s’y retrouver que l’hôpital lui-même est victime d’entrisme. Chantal Gatignol explique que « ces mouvements entrent par les visites aux malades (…) mais aussi par le biais de la formation des personnels soignants ».

(Source : Equilibre N°305, mai-juin 2015)