La naturopathie au banc d’essai

Devant le succès grandissant de la naturopathie en Belgique, des journalistes de la RTBF ont souhaité en savoir plus sur la méthode, avec l’aide d’un médecin qui commente les consultations enregistrées au cour de l’enquête.

L’un d’eux, simulant un mal être dû à des douleurs aux coudes et des kystes aux reins nécessitant la prise d’antibiotiques, s’est rendu chez trois praticiens issus de trois formations différentes afin de comparer leurs pratiques et de voir si leur préconisations étaient concordantes.

Le premier rendez-vous a été pris chez une conseillère en hygiène vitale. Prudente celle-ci conseille au journaliste qui souhaite arrêter ses antibiotiques de contacter son médecin. La suite de la consultation se poursuit par un bilan de santé au cours duquel elle analyse la morphologie de son patient, ses mains, ses ongles, ses yeux au moyen de l’iridologie, une pratique dont le professeur de médecine générale, Guy Beuken rappelle qu’elle « ne repose absolument pas sur des bases scientifiques ». Après deux heures, et 50 euros la séance, la thérapeute conclu en disant « Parfois, il n’y a rien car on hérite cela de nos ancêtres. C’est comme les autres paramètres physiques. Il ne faut pas se prendre la tête ».

Pour la deuxième praticienne, tous les problèmes de santé venant de l’alimentation, il suffit de changer celle-ci pour que tout rentre dans l’ordre. Equipée d’un spectrophotomètre, censé détecter les carences en minéraux et les excès en métaux lourds, elle scanne les mains de son patient. À l’issue de l’examen, elle diagnostique « un excès de métaux lourds qui bloque l’assimilation des minéraux. Et donc des déséquilibres acido-basiques ». Elle poursuit sa séance en faisant un massage DIP pour débloquer les énergies et décèle un problème de thyroïde. La consultation terminée, elle propose un programme de soin en huit séances, payables d’avance, facturées, après ristourne, 947 euros. Choqué par « le vocabulaire pseudo-scientifique et réducteur » de la thérapeute, le docteur Guy Beuken, explique que la spectrophotométrie n’a aucun sens, car elle ne remplace pas une prise de sang.

Le troisième naturopathe essaie d’entrée de jeu de vendre son livre. Il base sa méthode de guérison sur un ouvrage intitulé « Les causes probables des maladies ». Pour un coût de 60 euros, il ouvre le livre pour déterminer l’origine des problèmes de santé de son patient et conclut qu’ils sont dus à « des émotions, […] des émotions du passé qui n’ont pas été exprimées, qui n’ont pas été écoutées ». Après un interrogatoire sur son passé, ses proches, sa situation financière et conjugale, il propose de traiter la causes des douleurs par des séances de « déprogrammation ». Le docteur Beuken s’indigne des pratiques du naturopathe qui « fait une introspection sauvage et ne semble pas se soucier des dégâts psychologiques qu’il pourrait causer ».

Bilan du journaliste, trois thérapeutes, trois conclusions différentes pour les mêmes symptômes et l’impression d’être plus malade après ces consultations qu’avant.

La naturopathie est classée parmi les médecines traditionnelles par l’Organisation Mondiale de la Santé qui la définit comme « Un ensemble de méthodes de soins visant à renforcer les défenses de l’organisme par des moyens considérés comme naturels et biologiques ». Issue des courants hygiénistes du XIXe siècle et de la Lebensreform allemande, la naturopathie se veut holistique. Au cours des séances les thérapeutes peuvent avoir recours à diverses méthodes telles que l’iridologie, la phytothérapie, l’aromathérapie, des massages, des conseils nutritionnels… Bien que reconnue en Suisse en Allemagne et en Autriche, elle ne l’est ni en France, ni en Belgique. En effet, la pratique n’étant ni validée scientifiquement, ni encadrée, n’importe qui peut s’autoproclamer naturopathe.

(Source : RTBF, 01.06.2018)