Mort d’une adepte du respirianisme

Le 8 juin 2017, Jeannette, une adepte belge du groupe Contact & Muziek, est décédée « de mort naturelle dans des circonstances suspectes », selon la police d’Utrecht. Soupçonnant les autres membres du groupe de négligence et de non-assistance à personne en danger, les autorités ont ouvert une enquête.

Les quatre membres du groupe qui vivaient des ateliers qu’ils organisaient autour de la musique expliquent sur leur site internet « qu’ils ont commencé de se libérer de la nourriture en mai 2014 pour se sentir mieux dans leur corps et se concentrer sur leur musique. ». Selon l’un d’eux, « en buvant uniquement du jus de fruit et de plante, le chant semble plus beau […] Cela laisse plus de place à la respiration, aux sentiments et aux émotions ».

Des photographies figurant sur le site internet du groupe montre les membres très amaigris, pourtant ils assurent que le groupe n’est pas responsable du décès de Jeannette.

(Source : 7 sur 7.be, 19.06.2017)

À savoir 

Depuis le début du mois de juin, plusieurs médias ont relayé le discours d’un couple qui s’exhibe sur les réseaux sociaux en faisant la promotion de son mode de vie alimentaire, le respirianisme.

Camilla Castello et Akahi Ricardo affirment qu’ils ne s’alimentent quasiment plus depuis neuf ans, sauf par « obligation sociale ». Camilla ajoute qu’elle n’a pas changé de régime lors de ses deux grossesses. « Pour mon premier, j’ai pratiqué la grossesse respirianiste. La faim était une sensation inconnue pour moi, je ne me nourrissais que de lumière » déclare-t-elle. Son conjoint ajoute qu’il n’a jamais été aussi en forme que depuis qu’il est respirien.

Qu’est-ce que le respirianisme ?

Les adeptes du respirianisme, également connu sous le nom de pranisme ou breatharisme, prétendent se nourrir d’air et de lumière en puisant leur énergie dans le prana (sanskrit : souffle vital respirant).

Le respirianisme n’est pas nouveau et il est très souvent lié à un contexte sectaire, mystique voire religieux comme en témoigne les jeûnes miraculeux de Marthe Robin ou du yogi indien, Prahlad Jani, qui assure jeûner depuis 70 ans.

Le respirianisme fut introduit en Occident dans les années 1970 par l’américain Wiley Brook qui fonda le Breatharian Institut of America au sein duquel il organisait des « ateliers d’immortalité » facturés près de 100 000 dollars. Mais il fut popularisé dans les années 1990 par l’australienne Ellen Greve, alias Jasmuheen, rendue célèbre par son livre : « Vivre de lumière : 5 ans sans nourriture ». Elle prétend jeûner depuis 1993 et pouvoir vivre des mois « sans autre chose qu’une tasse de thé ».
La France compterait 40 000 pratiquants.

Une négation de soi ?

Pour Camilla et d’autres respiriens, l’arrêt de la nourriture représente la fin d’une contrainte mais aussi une quête d’absolu et la volonté de dépasser sa condition humaine comme l’exprime l’un d’eux sur Veggie Channel : « ça fait 13 ans que je n’ai pas mangé et je suis toujours vivant. On peut aussi faire exploser nos limites mentales, et notamment nos blocages concernant la nourriture. Le blocage principal qui est : si on ne mange pas, on va mourir ».

Une radicalisation de l’alimentation ?

Dans leur quête d’absolu, les respiriens ont souvent le même parcours alimentaire. A l’instar de Nina Valentine qui après avoir exploré le végétarisme puis le végétalisme, raconte être passée « logiquement » au respirianisme.

Mais la transition n’est pas simple et de nombreux respiriens échangent des conseils et se vantent de leurs prouesses praniques sur des forums, des vidéos ou dans des groupes privés sur Facebook. Ainsi l’un d’eux explique à un journaliste de Tagel, intervenant sur Facebook sous un faux profil, qu’il ne boit presque plus. « On boit juste quand on mange pour détoxiner le corps quand on ne mange plus on ne bois plus non plus » ajoute-t-il.

Beaucoup commencent par le programme en 21 jours de Jasmuheen1 au cours duquel ils jeûnent la première semaine, puis poursuivent en consommant de l’eau parfumée ou des jus de fruits. Mais très peu vont jusqu’au bout de leur conviction. Certains se nourrissent de soupes, de jus, d’autres prennent quelques repas dans la semaine. D’autres, enfin, jouent sur les mots, expliquant qu’ils se nourrissent de lumière en mangeant des plantes car celles-ci absorbent de la lumière lors de la photosynthèse.

Les promoteurs mentent… et des adeptes fervents meurent de faim.
Ainsi, Jasmuheen mise au défi de mettre en pratique son programme de 21 jours a échoué au bout du quatrième. Pire, à une autre occasion, un journaliste l’a surpris commandant un repas dans un avion. Quant à Wiley Brooks, découvert se « goinfrant » dans un fast food, il expliqua la nécessité de manger des hamburgers dans un environnement pollué pour améliorer sa capacité d’absorption de la lumière et d’énergie.

Le respirianisme est dangereux et plusieurs décès sont déjà à déplorer. Ainsi en 1999 Verity Linn, une australienne de 49 ans, est morte alors qu’elle suivait le processus de 21 jours de Jashmuheen. Au mois de juin 2017, un nouveau décès lié à ce régime est survenu en Belgique. (Voir article ci-dessus).
Les pouvoirs publics et la Miviludes sont donc très vigilants. Serge Blisko, président de la Miviludes, met en garde contre « cette pratique à forte connotation sectaire » et contre les escrocs qui gagnent énormément d’argent en prêchant des bobards », ajoutant que « si les gourous appliquaient la méthode qu’ils prônent, ils seraient sévèrement maigres et n’auraient pas l’apparence physique saine de leurs photos ». L’attention est encore plus importante concernant les mineurs, car s’il est difficile d’interdire les conférences des respiriens, l’état veille à ce que les enfants n’y assistent pas.

Quelles sont les conséquences d’un jeûne aussi extrême ?

Rick Miller, diététicien et porte-parole de la British Dietetic Association, explique qu’à long terme l’abstinence d’aliments peut conduire à une chute massive de la pression artérielle et de la température interne. Cela peut aussi provoquer des nausées, rendre confus, provoquer des hallucinations et un très important affaiblissement jusqu’à glisser dans l’inconscience. Sans oublier des risques d’insuffisance rénale provoqués par l’absence de boisson.

Eric Fontaine, nutritionniste et président du Collectif de lutte contre la dénutrition, ajoute qu’« avec trois repas par semaine, on peut tenir une année ou deux, mais une personne dénutrie finit par mourir quand elle a perdu la moitié de ses muscles ». Il prévient les femmes enceintes qui voudraient s’adonner à ce régime : « Si une femme enceinte mange très peu, son bébé va puiser dans les réserves de sa mère et risque de naître avec un très petit poids de naissance. Si elle réitère à la seconde grossesse en n’ayant plus de réserves, son bébé risque de naître avec un oedème. Une forme de malnutrition qui vient du manque de protéines ». De plus, le manque de graisse est très préjudiciable au développement du système nerveux prévient Liz Sanders, directrice de la recherche et des partenariats au sein de l’International Food Information Council.

De même que l’abstinence de nourriture est dangereuse, la prise d’une importante quantité d’aliments après un jeûne prolongé l’est tout autant. Rick Miller avertit, « l’épuisement de certains électrolytes (tels que le magnésium, le potassium et le phosphate) en conjonction avec une augmentation soudaine des niveaux d’insuline lorsque l’on mange à nouveau peut entraîner un dysfonctionnement cellulaire, entraînant une arythmie cardiaque, des convulsions, un coma et nécessite souvent une hospitalisation immédiate ». Il est donc indispensable de réintroduire les aliments progressivement et lentement.

(Sources : Broadly Vice, 23.05.2017, Paris Match, 19.06.2017, France 24, 20.06.2017, France Info, 21.06.217, 20 Minutes, 21.06.2017, Le Nouvel Obs, 22.06.2017, & Elle 28.06.2017)

1- Lire sur le site de l’Unadfi, « Buvez … éliminés », le respirianisme de Jasmuheen : https://www.unadfi.org/domaines-infiltration/sante-bien-etre/pratiques-hygienistes-et-traditionnelles/buvez-elimines