Joël Garrigues, procureur de la République de Bourges, a ouvert une enquête sur l’institution de l’Angélus à Presly (Cher), suite au signalement du directeur académique des services de l’Éducation nationale. Il possèderait des « éléments constitutifs d’infractions pénales : des mauvais traitements sur des enfants (violences, privation de repas, punitions à caractère corporel…) et des soupçons d’infractions de nature sexuelle ». A cela s’ajouteraient des soupçons de travail dissimulé et d’infractions d’ordre économique et financier. Ouverte en 2010 sous le patronage de l’institut du Bon Pasteur, l’institution de l’Angélus, est une école catholique traditionaliste hors contrat.
Le 2 juin 2017, une perquisition a eu lieu dans l’établissement, son directeur a été placé en garde à vue le temps de l’intervention et l’école a été fermée sur décision préfectorale au titre de la protection de l’enfance, jusqu’aux vacances scolaires.
Sur la soixantaine d’enfants interrogés par les gendarmes, une vingtaine a dénoncé des faits de violences et « deux ou trois » des agressions sexuelles. Les élèves ont mentionné des coups de poing, des gifles, « la punition du poireau » qui consiste à rester debout de longues heures sans bouger, ainsi que des privations de nourriture, l’absence de chauffage ou l’obligation d’effectuer des tâches ménagères pour lesquelles aucun personnel n’était employé. D’autres ont déclaré avoir subi des massages et des caresses inappropriées de la part du prêtre. Les gendarmes ont également découvert un stock de nourriture périmée. Au vu de ces premiers éléments qui corroborent les faits dénoncés, l’enquête va se poursuivre et les autres élèves seront à leur tour interrogés. Selon Joël Garrigue, une famille et des enseignants, anciens membres de l’Angélus, sont à l’origine des signalements. Pour des sympathisants, le prêtre ferait l’objet d’une cabale et d’une vengeance.
Une discipline de fer règne dans l’école, les enfants sont vêtus d’uniformes et les offices religieux sont célébrés uniquement en latin, le prêtre dos aux fidèles. Selon le site internet de l’école, les programmes scolaires sont adaptés « afin de donner aux élèves accès à notre culture et civilisation chrétienne ». Les élèves sont conviés à « suivre des conférences sur les questions bioéthiques avec la Fondation Lejeune ».
Selon un père de famille dont le fils était scolarisé à l’Angélus, les faits dénoncés ne sont pas nouveaux : « on est en train d’ouvrir les yeux, de se souvenir de ces parents qui ont soudainement enlevé leurs enfants de l’école. On aurait dû y voir un signal. On se sent très mal vis-à-vis de nos enfants. Il ajoute : « quand j’entends parler de complot, je suis catastrophé. C’est révélateur de la dérive sectaire au sein de l’établissement. Cela traduit leur radicalisation ».
L’école, qui comprend une école primaire mixte ainsi qu’un collège et un lycée pour garçons, comptait 26 élèves à son ouverture, 86 deux ans plus tard et 109 cette année. Les professeurs choisis par le directeur ne sont payés qu’avec des fonds privés provenant d’associations proches de l’école.
En 2013, voulant faire de l’école une institution dévolue à l’évangélisation des enfants, l’abbé Spinoza fonde la Fraternité Enseignante des Coeurs de Jésus et Marie et se rattache à l’abbaye bénédictine de Randol (Puy-de-Dôme), elle-même très proche des Scouts d’Europe.
En 2016, l’école bénéficie d’une reconnaissance canonique du diocèse de Bourges ce qui lui permet de bénéficier du titre d’école catholique. L’abbé Spinoza a pour projet d’ouvrir un nouvel établissement à Bourges en septembre 2017.
Cette affaire met une nouvelle fois en lumière les difficultés du contrôle des écoles hors contrat. Au nombre de 1 300 en France, elles sont totalement indépendantes et ne sont soumises qu’à une déclaration auprès de la Mairie et de l’Éducation nationale. La seule contrainte imposée est l’acquisition à quatorze ans du socle commun de connaissances.
Le ministère de l’Éducation nationale a lancé des inspections ciblées dans une vingtaine de structures, inspections qui ont révélé de graves dysfonctionnements au sein de plusieurs établissements.
La Miviludes assure quant à elle, par la voix de son président Serge Blisko, qu’elle est très vigilante face au « monde du hors contrat très foisonnant, où le bon côtoie le moins bon et le très mauvais ». Il ajoute, « on ne peut pas admettre que des enfants soient élevés hors de la société. »
(Sources : Le Berry Républicain, série d’articles publiés du 02.06.2017au 08.06.2017, Magcentre, 04.06.2017, Le Parisien, 12.06.2017 & Europe 1, 12.06.2017)