Les surdoués cibles d’un marché en plein développement

Les surdoués, autrement dénommés haut potentiel intellectuel (HPI), regroupent une catégorie de personnes dont le quotient intellectuel (QI) est supérieur ou égal à 130. Alors que cela ne concernerait que 2,3% de la population, les consultations à ce sujet explosent et les groupes Facebook d’échange ne cessent de croître, il en existe près de 70 actuellement.

Cet engouement est né du livre de Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux ? (éd. Odile Jacob, 2008) qui a popularisé le terme de « zèbre » pour désigner les surdoués, mais en leur attribuant « une sensibilité, une émotivité, une réceptivité affective » accrues.

Cet élargissement de la définition du HPI avec des traits de personnalité un peu vagues « a permis à beaucoup de gens de s’y retrouver » déplore Nicolas Gauvrit, chercheur en sciences cognitives. Léonard Vannetzel, psychologue spécialiste de l’enfant constate : « Il y a quasiment 70% des gamins pour lesquels, en consultation, est évoquée l’hypothèse du HPI, y compris chez ceux qui sont déficients ».

Ce marché ayant le vent en poupe, de plus en plus de psychologues proposent des tests de QI dont le tarif oscille entre 200 et 600 euros.

Jeanne Siaud-Facchin, psychologue à l’origine de cet engouement, a fondé en 2003 les centres Cogito’z, des établissements qui proposent des tests de QI et des formations pour accompagner les adultes hauts potentiels. Franklin, un ancien client, reproche une prise en charge discontinue et un compte rendu très générique qui est passé à côté de son autisme. Ce n’est pas le seul à critiquer ces « ces analyses très superficielles », même si la fondatrice s’en défend.

Mais les psychologues ne sont pas les seuls à profiter de ce qui est devenu un véritable marché. De nombreux coachs et  thérapeutes auto-proclamés proposent aussi leurs solutions pour accompagner les HPI. Siegfried Cey, fondateur de l’Université des Hauts Potentiels, propose des tests en ligne à 296 euros et un questionnaire sur YouTube pour déterminer si l’on est HPI où se succèdent une série de clichés sur le caractère des surdoués (solitaires, dénués de succès). Cependant rappelle la psychologue Nathalie Clobert, « en dehors de la curiosité, il n’y a pas d’éléments de personnalité typique chez le HPI ».

Très connue dans le domaine, Raymonde Hazan, « une psychanalyse auto proclamée » HPI, défend sa propre méthode pour détecter les HPI et les accompagner. Chez elle, pas de tests de QI « conçus par des gens qui ne connaissent rien », mais une détection par téléphone à 120 euros les 45 minutes. Les surdoués ainsi détectés peuvent ensuite acheter pour 349 euros la vidéo « bien vivre sa surdouance ». Elle a aussi lancé l’Académie RH afin de former les surdoués à « accompagner leurs semblables sur le chemin de leur épanouissement personnel ». Selon L’Express, une formation de six jours coûterait 3500 euros. « Un tarif non confirmé par Raymonde Hazan, qui refuse de parler de sa formation à des « normo-pensants » explique le journal l’Express.

Des groupes sectaires clairement identifiés ont aussi investi ce domaine, à l’image d’Ashram Shambala, une secte russe basée à Cassis qui promouvait le concept d’enfants indigo, des enfants dotés de capacités extrasensorielles qui devaient être éduqués en vue de développer leurs capacités. Alban Bourdy, un ex-adepte du mouvement, a croisé Jeanne Siaud- Facchin lors d’un week-end organisé par le groupe en 2010. Si elle reconnait avoir été présente, celleci réfute avoir eu connaissance qu’il s’agissait d’une secte.

(Source : L’Express, 27.05.2021)

 

  • Auteur : Unadfi