Viols sous emprise thérapeutique  

Après dix ans d’instruction, un thérapeute sans qualification, contre lequel huit ans de prison avaient été requis, a été condamné à treize ans d’emprisonnement par la cour criminelle de Saint Denis de la Réunion. L’homme était accusé « d’atteintes sexuelles et de viols répétés en abusant de l’autorité conférée par sa fonction » sur une patiente psychologiquement vulnérable. Si une seule patiente a eu le courage, malgré deux tentatives de suicide, de porter plainte et d’aller en justice, bien d’autres ont eu à faire aux dérapages sexuels du thérapeute. Seules deux autres patientes, sur la cinquantaine entendue par la police, sont venues déposer à la barre. Finalement, il a avoué, au cours de son procès, avoir abusé de près de 120 femmes tout au long de « sa carrière ».

Durant les deux jours d’audience, les débats de la cour se sont concentrés sur la notion de consentement. Si l’avocat de la défense a axé sa plaidoirie sur le consentement de la plaignante et avance que son client a commis davantage une faute déontologique qu’un crime, la cour a retenu la notion de « contrainte morale ».

La plaignante a expliqué comment l’emprise établie par le thérapeute l’a conduite à accepter des gestes de nature sexuelle sous prétexte de thérapie. L’homme lui avait été recommandé par des personnes de confiance. Une fois en thérapie avec lui un souvenir d’inceste subi pendant l’enfance a refait surface et l’homme avait une solution : une thérapie censée harmoniser son corps et son esprit pour la reconstruire, qui consistait en des massages californiens pratiqués nus pour plus de commodité. Mais la thérapie a rapidement dérapé vers des gestes de nature sexuelle, puis en viols. Bien que pleine de dégoût, durant un an, de février 2011 à février 2012, elle a subi les assauts du thérapeute dans son cabinet et lors d’un séminaire organisé par ce dernier à Madagascar. Il avait créé chez sa patiente une impression de redevabilité en lui donnant des soins gratuits et si elle refusait d’obtempérer il menaçait d’abandonner la thérapie, une idée difficile à supporter pour elle qui « se sentait déjà abandonnée, nulle, sans valeur ».

L’engrenage s’est arrêté grâce à son compagnon, une altercation entre lui et le thérapeute les ayant conduits à être condamnés pour agression réciproque en 2012. La jeune femme a porté plainte contre le thérapeute quelques jours plus tard signalant avoir eu l’impression d’être droguée. Une enquête a été ouverte et les enquêteurs ont trouvé chez celui-ci du Rohypnol, « la drogue du violeur », une arme à feu et 9 000 euros en liquide.

Les autres patientes entendues et les dépositions lues au tribunal ont mis en évidence un mode opératoire similaire pour chacune des concernées, même pour celles qui défendent le thérapeute. L’une d’elle raconte avoir voulu déposer une plainte en 2011qui n’a pas été retenue. Elle décrit le même processus d’emprise et veut, depuis l’annonce de la condamnation du thérapeute, réunir un collectif de victimes. Pour toutes les plaignantes la justice a relevé : « l’ascendant psychologique, la manipulation, le dérapage systématique vers des gestes sexuels, voire des pénétrations ». La justice a aussi noté que parmi elles figurent plusieurs victimes d’inceste, « signe que le prédateur sélectionnait les proies les plus vulnérables ».

Les experts, quant à eux, le décrivent « comme un être narcissique, omni-puissant et prêt à tout pour satisfaire ses désirs ».

Pourtant le septuagénaire bénéficie d’une bonne réputation sur l’île, en particulier parmi les notables auxquels il dispensait depuis une trentaine d’années des conseils pour souder des équipes en entreprise et surtout pour régler des problèmes de couples.

Originaire du Sud-Ouest de la France, il aurait été formé comme thérapeute en métropole. Dès son service militaire, il enseignait la psychologie, malgré l’insuffisance de ses connaissances pointées par ses supérieurs. Il continue son parcours en devenant formateur en entreprise et aurait donné des séances gratuites de psychothérapie. Il aurait poursuivi dans la même voie après son arrivée à la Réunion en 1982.  N’ayant aucun diplôme, il aurait cependant réussi à se faire recruter en 2008 comme intervenant pour le DU « écoute, communication et arbitrage de conflit » à l’Université de La Réunion et aurait vraisemblablement attiré des étudiantes à lui. Mais l’université n’a pas répondu aux sollicitations des enquêteurs sur ses rapports avec l’accusé.

Il est à noter qu’en 2016, alors que l’affaire de viol était en cours d’instruction, le thérapeute a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour avoir filmé l’intimité d’une personne sans son consentement.

L’avocat de l’accusé a déclaré que son client faisait appel de la décision de justice.  

(Sources : Zinfo 974, 09.03.2022 & 10.03.2022 & Parallèle Sud, 11.03.2022)

  • Auteur : Unadfi