Le Féminin sacré, courant ésotérique propre au New-Age, répondrait à un besoin de reconnexion à soi et à la terre. Reste que son discours abstrait et les prix de ses prestations alertent les organismes de vigilance contre les dérives sectaires.
En France, comme ailleurs, les théories New-Age séduisent des individus en quête de bonheur personnel. Le Féminin sacré s’inscrit dans ce courant. Il propose aux femmes de se réunir pour parler de leurs problèmes afin de les dépasser. Par le partage d’expériences et par des rites, ces cercles de femmes incitent leurs adeptes à se reconnecter à une féminité originelle que la société industrialo-patriarcale aurait domestiquée. Elles s’y initient souvent à une période charnière de leur vie (séparation, maternité, changement professionnel, problèmes de santé…). Plus vulnérables, elles y cherchent la sororité et l’écoute.
Généralement, dans ces ateliers, il y a une introduction menée par la guide puis il peut y avoir un tour de parole, de la méditation ou des pratiques corporelles. Les rites sont multiples et occupent une place importante. La danse, le chant et la musique percussive créent un esprit de communion avec le groupe. Des voyages chamaniques peuvent également être proposés. « Ils répondent à un désir de trouver du sens en dépassant une vision matérialiste du monde qui semble arriver à bout de souffle », explique Camille Sfez, auteure de La Puissance du Féminin (Éditions Leduc, 2018). Le discours autour du cycle menstruel et de la maternité est incontournable. Pour les adeptes, l’utérus a une fonction sacrée : c’est la matrice, appelée « yoni », soit « l’endroit où l’énergie vitale transite pour se connecter au cosmos ». Dès lors, le discours est centré sur l’hétérosexualité et les femmes transgenres n’ont pas le droit de cité dans ces groupes.
Pour Nicolas Sajus, auteur de La marchandisation du bonheur, Pseudo-thérapies, développement personnel et dérives sectaires (L’harmattan, 2022), ces cercles et retraites s’adressent à des femmes qui ont une certaine aisance financière. Ce que confirme la chercheuse Constance Rimlinger. Les participantes qu’elle a recensées dans ses travaux sont diplômées et occupent des professions indépendantes. Quant aux animatrices de ces groupes, selon plusieurs témoignages, « elles s’approprient des pratiques issues de cultures souvent sud-américaines ou asiatiques sans poser de contexte ».
Des groupes éclatés
Bien que présentées comme puissantes, les femmes ne sont pas incitées à s’engager politiquement puisque l’idée est « qu’on peut changer le monde en changeant sa vibration intérieure ». Beaucoup assurent ne pas être féministes et être en dehors de l’économie et du cercle politique. Ce qui n’a pas empêché plusieurs cercles de critiquer ouvertement la politique du gouvernement lors de la pandémie de Covid-19 et de militer contre le vaccin. On peut y voir un terreau complotiste qui, couplé au prix des prestations, a alerté la Miviludes. Dans son rapport de 2021, elle considère le Féminin sacré comme un courant à risques, pointant notamment les réseaux de solidarité tels que les « cercles d’abondance » ou « tisseuses de rêve » qui, « sous couvert de soutien moral, de bienveillance, de dons, d’acceptation et d’harmonie, invitent les femmes à entrer dans un système de Ponzi ». « La pression du collectif fait le reste en isolant et précarisant ses membres ».
Pour Nicolas Sajus, le risque de dérives se situe « dans le niveau d’engagement des adeptes ainsi que dans le niveau d’égarement des pratiques. Mais l’éclatement des groupes rend plus complexe la caractérisation sectaire ». Camille Sfez, elle, rattache le Féminin sacré au développement personnel dans sa globalité : « C’est un fourre-tout qui a pour but de vendre du mieux-être dans une société où l’on va mal ».
(Source : Usbek & Rica, 14.05.2024)