Trois anciens scientologues déposent plainte pour « traite d’êtres humains présumée »

Le 28 avril 2022, Laura Baxter, son mari Gawin Baxter et Valeska Paris, ont porté plainte devant un tribunal de Floride contre le leader de la Scientologie, David Miscavige, et cinq organisations liées à l’Église. Ces trois anciens membres de la Scientologie accusent l’organisation « de trafic d’enfants, dissimulant de multiples agressions sexuelles et du travail forcé » et demandent d’importants dommages et intérêts pour avoir enduré, selon eux, « des années d’abus émotionnels, physiques et psychologiques ». Tous trois ont déclaré qu’ils avaient été « fortement endoctrinés et piégés, incapables financièrement, physiquement et psychologiquement de partir à l’âge adulte ».

La plainte de 86 pages, déposée par les cabinets d’avocats américains Kohn, Swift & Graf, Preti Flaherty et Cohen Milstein Sellers & Toll, détaille les conditions de vie des trois ex-membres, dont deux sont nés dans le groupe.

Tous trois faisaient partie de la « Sea Org », l’organisation qui chapeaute la Scientologie.

Gawin Baxter l’un des plaignants est né de parents membres de la Scientologie en Australie. En 1982, lui et sa famille déménagent aux Etats-Unis pour rejoindre Flag, le siège international de la Scientologie, situé à Clearwater en Floride. Dès l’âge de six ans il intègre la « Cadet Org », branche jeunesse de la Sea Org, où il partage un dortoir avec cent autres enfants. Très vite l’organisation le met au travail et le sépare de ses parents qu’il ne voit que quelques heures par semaine. Selon la plainte, à l’âge de 10 ans, il fournissait déjà cinq à dix heures travail journalier sans être rémunéré. ll se souvient avoir été soumis à des questions explicite sur ses expériences sexuelles et assure avoir subi des agressions verbales et physiques de la part d’adultes liés à la Scientologie.

Devenu adulte, il embarque sur le Freewinds, un bateau, affrété par la Scientologie en 1988, qui sillonne les Caraïbes et n’accoste jamais dans les ports ou les eaux territoriales américaines. C’est le seul endroit où est enseigné le niveau thétan opérationnel VIII, le plus haut grade spirituel de la Scientologie. Sur le navire, Gawin Baxter travaille plus de seize heures par jour dans des conditions très dangereuses, comme lorsqu’il devait nettoyer les réservoirs de carburant sans équipement de sécurité ou quand il a été exposé à de l’amiante et de la poussière de béton.

Laura Baxter, quant à elle, raconte avoir été mise à l’isolement durant plusieurs jours en 2004, dans la salle des machines du Freewind pour avoir « monopolisé » l’attention d’une célébrité lors de ses fêtes d’anniversaire. Il semblerait que Tom Cruise ait fêté ses 42 sans sur le navire la même année.

Devenue enceinte, on lui a demandé d’avorter mais elle et son mari ont refusé. Après plusieurs semaines de punition et d’isolement ils ont été autorisés à quitter le navire.

La troisième plaignante, Valeska Paris, a passé 32 ans dans la Scientologie. Son parcours dans le groupe l’a menée d’Angleterre, lorsqu’elle était enfant, à Clearwater, pendant son adolescence, sur le Freewinds, à l’âge adulte et enfin dans un camp de redressement du groupe en Australie.

Elle avait déjà déposé une plainte en 2019 auprès de la police de Clearwater dans laquelle elle dénonçait le travail forcé et les abus sexuels qu’elle avait subis dans la communauté. Mais en août 2020, la police a clos son dossier en raison du délai de prescription et d’un manque de preuves.

Pourtant, selon Valeska Paris, toutes les preuves dont avait besoin la police se trouvaient dans les dossiers que la Scientologie avait constitués sur elle. L’église a pour habitude de conserver l’intégralité des entretiens individuels de ses membres et encourage ses fidèles à rapporter les méfaits de leurs collègues par écrit. Ces dossiers sont gardés même après leur mort afin qu’ils puissent être récupérés dans leurs vies futures. Le tribunal ayant rejeté une assignation demandant à la Scientologie de communiquer le dossier de Valeska Paris, la police a malgré tout tenté de l’obtenir, mais en vain, l’église arguant de raisons religieuses pour refuser.

Dans la nouvelle plainte, déposée aux côtés du couple Baxter, Valeska Paris, née de parents scientologues, raconte avoir été séparée d’eux à l’âge de six ans pour rallier les rangs de la « Cadet org » d’Angleterre. A quatorze ans, elle est entrée dans la Sea Org et a rejoint le siège international de la Scientologie à Clearwater en Floride. Là-bas, sous éduquée, elle a passé son temps à nettoyer les chambres de l’ancien hôtel Fort Harrison où les paroissiens séjournent lorsqu’ils visitent Flag pour des cours et des conseils.

C’est durant cette période qu’elle aurait été agressée sexuellement par un autre membre du groupe et aurait été punie pour l’avoir dénoncé. La Scientologie, considérant que les gens « s’attirent des expériences négatives lorsqu’ils font quelque chose de mal dans leur vie », juge qu’ils sont responsables de ce qui leur arrive. Aussi, explique Valeska Paris, lorsqu’une victime dénonce un abus, elle serait souvent punie après avoir d’abord subi un interrogatoire.

Après son passage en Floride, elle devient membre de l’équipage du Freewind où elle passe onze ans. Elle y est transférée après avoir renié par courrier sa mère qui venait de quitter le groupe. Sur le bateau, ses papiers d’identité lui sont confisqués. Sans « téléphone, sans compte bancaire, sans passeport et nulle part où aller » il est impossible de fuir.

En 2007, elle est envoyée en Australie pour travailler sur la Rehabilitation Project Force (RPF), un programme visant à remettre les adeptes dans le droit chemin de la foi scientologue. « la Scientologie est un système conçu pour perpétuer la peur, et je continue à lutter contre le traumatisme. » explique Valeska Paris. Elle a enfin quitté la Scientologie en 2009.

Neil Glazer, l’un des avocats des victimes, estime, que « ses clients ont été préparés pour une «vie de servitude» et qu’ils ont « été à jamais bouleversées par ces mauvais traitements ». 

(Sources: Le Sydney Morning Herald, 29.04.2022 & Infocatolica, 30.04.2022 & Tampa Bay, 19.05.2022)

  • Auteur : Unadfi