La vague de contaminations de COVID-19 a placé Shincheonji dans la lumière. En parallèle des faits liés à l’épidémie, des articles ont recueilli des témoignages d’ex membres du groupe et ont tenté de décrypter et décrire la doctrine et le fonctionnement du groupe.
Fondé en 1986, par Lee Man-hee (1931-), Shincheonji est présent partout dans le monde. Lee Manhee est né à Cheongdo dans le sud-est de la Corée du Sud. Cette ville est devenue un lieu de pèlerinage pour les adeptes. Le fondateur de Shincheonji a fréquenté plusieurs groupes protestants avant de fonder sa propre église. Il prétend que Jésus Christ lui est apparu et s’autoproclame messie. Ses fidèles le considèrent comme immortel. La doctrine est basée sur une croyance en l’Apocalypse. Seul les bons disciples rejoindront leur « maître » au ciel lors de la fin du monde.
Le leader pousse ses fidèles à rejeter leurs pulsions matérialistes et à donner de l’argent au groupe. Des ex-membres affirment avoir payé d’importantes sommes pour la construction de nouveaux bâtiments. Ils doivent régulièrement acheter des CD de conférences du gourou. De son côté, Lee Man-hee semble mener un train de vie luxueux. Les membres du groupe se doivent d’attirer de nouveaux fidèles sous peine d’amende. Les adeptes sont évalués en fonction du nombre de conversions obtenues et du montant de leurs dons, leur objectif étant de faire partie des 144 000 élus représentant l’« élite » du groupe. Ce chiffre de 144 000 correspond aux 12 000 membres de chacune des douze tribus d’Israël, selon le chapitre VII de l’Apocalypse. Les recruteurs cherchent à attirer des personnes vulnérables et n’hésitent pas à se renseigner sur les problèmes personnels de leurs cibles tout en dissimulant leur appartenance à Shincheonji. Ils leur proposent des conseils et essayent de gagner leur confiance avant de proposer l’aide via les études bibliques du groupe. Les prosélytes doivent rendre compte sur le nombre de personnes qu’ils ont tenté de recruter et sur la réussite de leurs recrues lors des études bibliques. Certaines personnes sont aussi abordées par l’intermédiaire de la lecture de cartes de tarot, de tests de personnalité ou des cours de langues étrangères. Le groupe essaye d’attirer des jeunes en leur promettant des emplois dans le groupe notamment de pasteurs et de prédicateurs. Dans un témoignage un ex-membre qualifie les fidèles de « robots à faire du prosélytisme ». Le mouvement effectue aussi du prosélytisme au sein des églises traditionnelles pour convertir leurs fidèles. Elle a formé de faux prêtres pour infiltrer l’église catholique de Corée du Sud.
Le mouvement cultive le secret, les adeptes cachant à leur famille leur appartenance au groupe. Dès lors que des parents essayent d’empêcher leurs enfants d’aller dans le groupe, car ils connaissent le risque d’emprise, beaucoup décident de quitter le foyer familial. Il est difficile de quitter le mouvement car la trahison envers l’église amène la perte du droit d’être sauvé de l’Apocalypse.
Face à ses détracteurs, le groupe et son gourou n’hésitent pas à intenter des actions en justice pour diffamation. Shincheonji aurait aussi lié des contacts avec des politiques notamment, à la fin des années 2000, avec des élus conservateurs.
Avant de s’établir dans le monde, Shincheonji a pu prospérer en Corée du Sud, pays comptant de nombreux groupes sectaires dont le plus célèbre est sans doute l’Église de l’Unification fondée par le révérend Sun Myung Moon. La guerre de Corée dans les années 1950, l’industrialisation des années 1960 et 1970, ont modifié en profondeur la société coréenne et ses traditions. Ainsi, de nouveaux groupes (promettant un salut immédiat sur cette Terre sont apparus et ont attiré de nombreux fidèles. Si le contexte coréen a pu permettre le développement de Shincheonji, il semble que le numéro deux du mouvement, Ji Jae-seop, ait joué un rôle prépondérant dans l’expansion du groupe. Dans les années 1980, il aurait convaincu des activistes s’étant battu contre la dictature et des membres du mouvement « Libération nationale » de rejoindre le groupe.
Selon une estimation deux à trois millions de coréens adhéreraient à ce genre de mouvement sur une population de 51 millions d’habitants. Certains leaders de ces groupes se sont retrouvés en prison pour des faits de viols ou de fraudes. Dernièrement une affaire sectaire a précipité la chute de l’ancienne présidente Park Geun-hye1 .
1.Lire sur le site de l’UNADFI,
– La présidente sous influence : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/la-presidente-sous-influence/
– La « Raspoutine » coréenne condamnée : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/la-raspoutine-coreenne-condamnee/
Pour en savoir plus sur le phénomène sectaire en Corée du Sud : https://www.unadfi.org/pays/coree-du-sud/