Ouverture d’une enquête sur des allégations d’abus sexuels au sein de la FSSPX

Le Bureau d’enquête du Kansas (KBI) vient d’élargir à une antenne de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, les investigations pour des allégations d’abus sexuels qu’il avait lancées en 2019 contre quatre diocèses catholiques de l’État.

L’enquête porte sur des suspicions d’abus sexuels commis au sein de la communauté localisée dans la ville de St Mary’s, mais également sur leur dissimulation par la hiérarchie.

Installée dans la localité depuis 1978, la Fraternité abrite une importante communauté qui croît chaque année. De plus en plus de familles conservatrices souhaitant vivre parmi des personnes partageant les mêmes idées. La Fraternité y a ouvert une école comprenant des classes allant de la maternelle à la terminale et a pour projet de bâtir une immense église de plus de 1500 places, « L’Immaculata », grâce aux dons de ses fidèles.

Les faits reprochés s’étalent des années 1990 jusqu’à nos jours. La Fraternité a affirmé avoir collaboré avec les autorités, mais il semble que plusieurs fois alertée par différentes personnes, elle n’ait pris que peu de mesures à l’encontre des membres soupçonnés.

C’est devant son refus de reconnaitre les abus signalés et d’y remédier, que des victimes et proches de victimes ont décidé de s’exprimer dans la presse et d’en faire part au KBI.

Les accusations les plus récentes concernent un prêtre français naturalisé en 2017. Elles ont été portées par Jassy Jacas une jeune femme qui s’était rapprochée de lui en 2013 dans l’espoir de régler un problème d’abus sexuel subi dans son enfance. Lui promettant de l’aider à trouver une direction spirituelle, lors de plusieurs entretiens il lui a tenu des propos crus et l’a poussée à décrire de façon détaillée les violences sexuelles qu’elle avait endurées. Parti en voyage subitement, elle ne l’a jamais revu, mais a fini par apprendre en 2018 qu’il faisait l’objet de restrictions car il avait déjà été signalé aux autorités pour « comportement inapproprié envers une autre femme ». Sous le coup d’une interdiction de confesser des femmes et de s’occuper seul d’enfants, il a quand même été accompagnateur dans des pèlerinages et a été nommé comme directeur et enseignant d’une école en Floride. En novembre 2019 un prêtre ayant révélé à Jassy l’existence d’un rapport datant de 2007 sur le prêtre, lui a conseillé de tout oublier, ajoutant que « ce serait différent si les événements s’étaient produits récemment. Il faudrait alors faire quelque chose pour protéger les autres “victimes”. »

Mais c’est un échange, au cours duquel le supérieur de l’école de Floride l’a menacée, qui a décidé la jeune femme à témoigner sur Facebook en février 2020. « Si vous rendez ces faits publics, lui avait-il dit, vous ruinerez l’âme de tant de gens, tant de vies, vous pourriez avoir des écoles fermées, votre nom ne sera jamais plus entendu de la même façon dans aucune communauté où vous irez. »

Son témoignage a amené d’autres personnes à se confier sur des abus et lorsque Jassy a contacté le KBI, elle a appris que huit prêtres de la FSSPX avaient déjà été signalés.

Un autre témoignage reçu par le KBI provient de Kurt Chione, un ancien professeur de l’école. Il concernait Michael Gonzalez, un élève en grande difficulté scolaire, qui s’est confié à lui en 1990 sur des abus qu’il aurait subis d’un prêtre. Kurt Chione a été renvoyé de l’école pour avoir signalé le problème au supérieur. Bien qu’elles se soient tues longtemps, les trois soeurs de Michael le confirment aujourd’hui. Elles racontent qu’en fin de 3e leur frère a quitté l’école et a vécu une véritable descente aux enfers jusqu’à son suicide en 2000. L’une d’elle explique qu’il avait tout consigné sur papier, même le nom de son agresseur, le père Angles, mais ses écrits ont disparu après l’incendie de leur maison. L’une d’elle affirme que la communauté aurait acheté le silence de la famille en épongeant sa dette de près de 20 000 dollars de frais de scolarité. Ce que dément l’avocat de la FSSPX qui ajoute que le père Angles est tellement au-dessus de tout soupçon que c’est lui qui a élaboré le « document sur les politiques, procédures et protocoles pour répondre aux abus sexuels sur les mineurs ».

Toujours dans les années 1990 le révérend Rizzo, un ancien prêtre de la FSSPX, raconte, quant à lui, avoir signalé au père Angles les agissements inappropriés d’un professeur qui avait envoyé une lettre d’amour à l’un de ses élèves. Mais le père Angles contrarié par les révélations du père Rizzo s’est plaint de lui à un supérieur qui a exilé ce dernier à Londres.

Un autre témoignage, plus récent concerne une jeune femme victime des abus sexuels de son père de l’âge de huit ans à quinze ans. En 2012, accompagnée de son fiancé Kyle White, elle s’est rendue en consultation auprès du révérend Todd Angele pour être conseillée sur ce qu’elle devait faire. Selon Kyle White, le prêtre aurait déclaré à la jeune femme que ce « serait un péché mortel » de dénoncer son père, Peter Palmeri, à la police. Selon White, Peter Palmeri était un ami du père Angles et un employé de l’école. Cependant, l’affaire a ressurgi en 2019, lorsque plusieurs de ses enfants l’ont dénoncé pour que cessent ses abus. Il a été condamné en février 2019 à 10 ans de prison.

(Sources : The Kansas City Star, 17.05.2020 & La Croix, 24.05.2020)

Lire sur le site de l’Unadfi l’ensemble des articles sur la Fraternité Saint Pie X : https://www.unadfi.org /mot-clef/ fraternite-sacerdotale-saint-pie-x/

Note de l’Unadfi

En Europe aussi, les victimes dénoncent avec force l’attitude des responsables de la FSSPX face aux affaires d’abus commis par des prêtres.

Lorsque les faits sont rapportés au supérieur du prêtre en question par les victimes elles-mêmes, ou par des parents lorsqu’il s’agit de mineurs, il est répondu que des mesures vont être prises. Le prêtre peut effectivement être éloigné, mais à plusieurs reprises des victimes ont découvert quelque temps plus tard qu’il était de nouveau dans une situation permettant que des faits identiques se reproduisent.

Les faits ne sont pas toujours dénoncés à la justice, la FSSPX estimant qu’ils doivent être traités en interne.

Cependant, lorsque la justice est saisie par des victimes, la FSSPX communique alors en affirmant qu’elle collabore avec les autorités judiciaires, comme si elle l’avait fait spontanément.

Les familles ne font plus confiance aux supérieurs de la communauté pour mettre fin à ces abus, et se tournent vers les médias pour dénoncer la volonté de dissimulation et les lacunes dans la protection des enfants.

Elles souhaitent surtout que les coupables ne puissent plus nuire.

 

  • Auteur : Unadfi