Mouvement #MeToo : les Amish aussi

Torah Bontrager a grandi dans une communauté amish du Midwest. Victime de violences physiques, psychologiques et sexuelles, elle sait que certains membres de cette communauté aux allures pacifiques pourraient être inquiétés par le mouvement # MeToo1 .


Elle a raconté son histoire dans un livre intitulé An Amish Girl in Manhattan: Escaping at Age 15, Breaking All the Rules, and Feeling Safe Again (Une amish à Manhattan : s’échapper à 15 ans, enfreindre toutes les règles et se sentir à nouveau en sécurité).

Dès l’âge de 11 ans, la jeune fille était obnubilée par l’idée de quitter le mouvement. Lors de sa première tentative d’évasion, elle fut rattrapée et sévèrement punie. Elle y est enfin parvenue à 15 ans, laissant derrière elle des années de sévices et de violence.

La fondation Amish Heritage, organisation à but non lucratif aidant les ex-Amish à s’intégrer dans la société américaine, a été créée en février dernier par Torah Bontrager. Ses conférences abordent les thèmes des agressions sexuelles, de l’éducation, du droit des femmes et de la santé au sein de la communauté.

La sortie de secte est assortie de problèmes colossaux qu’il est urgent de régler pour pouvoir intégrer la société, comme l’absence de certificat de naissance ou d’un numéro de sécurité sociale. La fondation de Torah Bontrager a l’ambition d’accompagner les ex-adeptes dans ces démarches. Elle se veut laïque, ce type d’aide étant généralement proposé par des églises qui peuvent à leur tour tenter d’endoctriner ces personnes en détresse. « Nous voulons seulement aider les individus à faire les meilleurs choix pour eux-mêmes et à déterminer ce qui est le mieux pour eux-mêmes » explique Torah Bontrager.

Elle propose également son aide aux victimes restées au sein de la communauté comme Mary Byler, violée à plusieurs reprises et par plusieurs personnes (dont ses propres frères) dès l’âge de 5 ans. Quand Mary s’est confiée à sa mère, elle s’est vue rétorquer que c’était de sa faute, qu’elle ne priait pas suffisamment. Jugés par la communauté, ses bourreaux ont pris le maximum de la peine infligée aux agresseurs sexuels : six semaines d’excommunication, ce qui revient à six semaines d’interdiction de communication avec les membres de la communauté.

L’apparent romantisme des Amish influence les juges qui dans ce genre d’affaire prennent en compte l’absence d’éducation sexuelle au sein de la communauté et donc l’ignorance des accusés qui déclarent ne pas savoir qu’il est interdit de violer.

L’anthropologue Michael Billig attribue également cette indulgence au fait que les Américains perçoivent la communauté Amish comme le symbole d’une forme d’un idyllisme perdu qu’ils souhaiteraient retrouver. Pour lui, la vérité sur les amish est déformée et il est temps que les chercheurs en sciences sociales aient un regard objectif sur leur fonctionnement et leurs agissements.

Torah Bontrager pointe également les carences dans l’éducation, qui privent les Amish de connaissances, ne leur permettent pas de penser par eux-mêmes et leur ferment également l’accès à des carrières professionnelles auxquelles ils pourraient aspirer.

(Source : Religion News, 03.10.2018)

1. À la suite de l’affaire Harvey Weinstein, l’actrice Alyssa Milano a lancé un appel sur les réseaux sociaux avec le mot-clic #metoo (#moiAussi) afin que les femmes victimes de harcèlement témoignent de leur épreuve.