Macabre anniversaire

Il y a 20 ans, le 17 mars 2000, 700 adeptes du Mouvement pour la restauration des dix commandements de Dieu périssaient dans l’incendie criminel du principal lieu de culte de la secte, dans le district de Kanungu, au sud-ouest de l’Ouganda. L’église dont les accès avaient été obstrués de l’extérieur avait été préalablement arrosée d’essence.

Le groupe a été fondé dans les années 1980 par Credonia Mwerinde, ancienne barman, et Joseph Kibwetere, ancien employé du gouvernement, qui prétendaient avoir des visions de la Vierge. Le culte s’était donné pour objectif de vivre dans l’obéissance des Dix commandements de Dieu et de répandre la parole du Christ.

Les croyants contraints de vivre dans le silence, pouvaient interroger la gourelle par écrit. Connue sous le nom de « programmeuse », elle était le cerveau de l’Église.

Le groupe apocalyptique annonçait la fin du monde pour le tournant de l’an 2000, mais elle est survenue deux mois et demi plus tard, uniquement pour ses fidèles.

Interrogée à l’occasion de ce macabre anniversaire par la BBC, Judith Ariho, aujourd’hui âgée de 41 ans, a perdu huit membres de sa famille lors de cet événement tragique. Elle n’avait que dix ans quand sa mère, veuve et en proie à de grosses difficultés financières, a rejoint la secte avec ses trois enfants. Elle trouvait du réconfort dans cette communauté qui fonctionnait en autarcie grâce au travail de ses adeptes. Judith elle-même y est restée jusqu’à son mariage. Elle se rappelle « la vie qui tournait autour de la prière », la crainte du péché ainsi que l’emprise des deux dirigeants qui lui semblaient omniscients. Ils paraissaient connaître les péchés de chacun de leurs adeptes, même ceux qui étaient dans des églises éloignées du siège.

Pour le Dr Paddy Musana, du département d’études sur la religion et la paix de l’université de Makerere, le groupe avait rallié de nombreux adeptes parce qu’il répondait à un besoin social qui n’était pas satisfait par les institutions, religions traditionnelles ou gouvernement. Il ajoute que ce même état de fait amène aujourd’hui encore de nombreux fidèles dans des Églises dirigées par des pasteurs autoproclamés.

Selon lui, « l’industrie de Jésus est devenue une entreprise d’investissement. Les prédicateurs d’aujourd’hui parlent de santé et de bien-être, à cause des nombreuses maladies et d’un système de santé publique qui fonctionne mal ». Pour lui, le gouvernement doit agir pour contrôler ces mouvements spirituels et empêcher que de tels événements ne se reproduisent.

L’enquête menée sur le massacre, au lendemain des faits, a révélé que bien avant sa survenue les dirigeants avaient commandité de nombreux meurtres. Les fouilles menées dans les différents sites occupés par l’église ont dévoilé l’existence de plusieurs charniers et de chambres de tortures.

À ce jour, bien qu’Interpol ait lancé plusieurs avis de recherche pour localiser les dirigeants du groupe, aucun n’a été retrouvé et personne n’a été poursuivi jusqu’à présent.

(Source : BBC, 18.03.2020)

 

  • Auteur : Unadfi