La pédophilie au coeur de l’organisation

Dans la continuité de l’enquête du groupe de travail chargé d’étudier le traitement des abus sexuels sur mineurs au sein des Témoins de Jéhovah, la chaîne de télévision belge RTL Info a enquêté sur la loi du silence régnant au sein du groupe. Si les journalistes n’ont pu obtenir d’entretien avec des responsables de l’organisation, des victimes se sont exprimées. Parallèlement à cette enquête initiée par la Chambre des représentants de Belgique1, un rapport a été remis par le Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN).

Officiellement considérés comme un péché par l’organisation, les actes de pédophilie sont gérés en interne afin de ne pas entacher la réputation de la communauté. En cas de dénonciation, les Anciens mettent en place une commission judiciaire au cours de laquelle la victime, confrontée à son agresseur, doit se présenter avec deux témoins oculaires pour que l’agresseur puisse être sanctionné en interne. Punition en générale levée s’il se repend. A l’instar d’une ex-adepte qui a été forcée de se taire pour ne pas « calomnier Dieu » et à laquelle les Anciens ont conseillé « de prier davantage Dieu pour que tout aille bien », les Anciens demandent à la victime de ne parler à personne de son agression sous peine d’être accusée de calomnie et d’être excommuniée si la culpabilité de l’agresseur n’est pas prouvée. Les faits ne sont donc jamais rapportés aux autorités judiciaires par les Anciens et les victimes sont dissuadées de le faire. Autre situation : Patrick, un ex Ancien, a été dissuadé d’accompagner une victime au commissariat sous peine d’être déchu de ses responsabilités au sein de sa congrégation.

Cependant, confrontée à plusieurs enquêtes parlementaires à travers le monde, la Watch Tower(siège des Témoins de Jéhovah) a été forcée d’adapter sa doctrine et « désormais, les Anciens ne doivent faire aucun reproche à celui ou celle qui déciderait d’aller déposer plainte à la police ».

Néanmoins, si les Anciens ne signalent jamais les abus sexuels à la police, ils doivent les rapporter systématiquement à « la centrale de l’organisation en Belgique » qui garde une trace de tous les dossiers.

Depuis la diffusion du reportage sur RTL Info, l’association Reclaimed Voices Belgium2 aurait reçu les témoignages de plus de 70 victimes d’agressions sexuelles commises au sein des Témoins de Jéhovah.

(Sources : RTL Info, 01.04.2019 & Brussels Times, 04.04.2019)

1. Lire sur le site de l’UNADFI, Constitution d’un groupe de travail sur les abus sexuels : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/constitution-dun-groupe-de-travail-sur-les-abus-sexuels/

2. Lire sur le site de l’UNADFI, Reclaimed Voices, 80 témoignages en un mois d’existence : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/reclaimed-voices-80-temoignages-en-un-mois-d-existence/