One Nation, un mouvement conspirationniste lié « aux citoyens souverains », a vu la promesse de vente du terrain où il projetait de s’établir annulée suite au droit de préemption exercé par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural d’Occitanie (Safer).
Les circonstances de l’affaire
Né à la faveur de la pandémie, le mouvement One Nation, projetait de s’installer dans un domaine de 200 hectares situé dans la commune de Sénaillac-Lauzès (46), comprenant un logis du 18è siècle, une ancienne chapelle, une métairie et de nombreuses dépendances.
Baptisé One Lab, le projet avait pour objectif de fonder un lieu autogéré, une « oasis » et un « laboratoire du monde nouveau » œuvrant pour « l’émancipation et déconstruire les vieux schémas ». Ses fondateurs, Alice Pazalmar et Sylvain « Outlow » espéraient y accueillir à terme 200 personnes, spécialement des familles, des artistes, des thérapeutes holistiques.
Pour mener à bien son projet le couple a créé un fond de dotation, Labolib, puis a lancé au début du mois de septembre une cagnotte sur le site Helloasso sur lequel il expliquait : « ce financement participatif est ouvert pour libérer ces 200 hectares et transformer la notion de propriétaire en Gardiens de la Terre ». Mais le 7 octobre les équipes d’Helloasso ont décidé de suspendre la cagnotte suite à plusieurs signalements. En un mois 270 000 € sur les 750 000 nécessaires avaient déjà été récoltés grâce aux dons de 650 participants. Après ce revers les membres du réseau avaient été incités à verser des dons directement sur un compte Iban.
L’installation du groupe dans le village était loin de faire l’unanimité en raison de son caractère sulfureux et des vues de sa fondatrice sur la mairie en 2026. Christophe Bénac, le maire de Sénaillac-Lauzès, a monté un comité de vigilance avec dix autres maires des communes voisines. Les habitants du village ont, quant à eux, lancé une pétition contre le projet sur le site Change.org. Elle a recueilli plus de 1 500 signatures en deux semaines. Ils craignaient que l’installation du collectif attire beaucoup de monde dans leur village ne comptant qu’une centaine d’habitants et que des proches déjà enclins au complotisme le rejoigne. Le député (Les Républicains) du Lot Aurélien Pradié s’est aussi mobilisé en adressant une lettre alarmiste au ministère de l’Intérieur.
Qu’est-ce que One Nation ?
Né en 2020, sous l’impulsion d’Alice Pazalmar et Sylvain « Outlow », respectivement Alice Martin Pascual et Sylvain Charles de leur vrais noms, One Nation est un réseau complotiste et antisystème, aux objectifs politiques, qui mélange idées New age et thèses proches de celles des Êtres souverains. Les membres de ce mouvement né aux États-Unis dans les années 1970 refusent toute légitimité à l’État fédéral.
N’obéissant qu’aux « lois naturelles », ses membres rejettent « toute forme d’autorité illégitime » et prônent la « désobéissance créative ». Bien que prônant des valeurs attirantes comme la non-violence, le retour à la nature ou le rejet de la société de consommation, One Nation inquiète car ses idées anti-système risquent « d’instaurer une frontière plus qu’étanche entre la communauté et la société civile », explique Valérie Igounet, historienne et directrice adjointe de Conspiracy Watch.
Le groupe est surtout actif et bien organisé sur le réseau Telegram où il compte 3 819 abonnés. Ils échangent sur différents canaux des contenus conspirationnistes, mais aussi sur la déscolarisation des enfants, sur l’organisation « d’ateliers souveraineté », ou sur le développement d’autres « oasis » dans divers lieux en France.
C’est grâce à ce réseau virtuel, dont elle était membre, que Lola Montémaggi avait été mise en relation avec Rémy Daillet, l’instigateur de l’enlèvement de Mia au printemps 2021. « Il y a une convergence entre le discours antirépublicain de Rémy Daillet et les ambitions sécessionnistes des groupes comme One Nation » explique l’Union de défense de la Famille et de l’individu (Unadfi). « On y trouve cette idée de vivre hors des règles de la République, de créer des États dans l’État. »
Au départ virtuel, le groupe commence à s’organiser en dehors des réseaux sociaux. Alice Pazalmar est par exemple intervenue aux côtés d’autres conspirationnistes lors d’une « université citoyenne » et a été invitée par la Youtubeuse complotiste Chloé Frammery, qui dit admirer cette « gardienne de la souveraineté ».
Qui sont les fondateurs de One Nation ?
Alice Martin Pascual, et son compagnon Sylvain Charles, en rupture avec les lois de la république, vivent dans un fourgon sans plaques minéralogiques avec les deux enfants déscolarisés d’Alice. Anti masques et antivax, les deux se mettent régulièrement en scène dans des vidéos. Sylvain Charles filme ses confrontations avec divers représentants de l’Etat, dont les forces de l’ordre.
Mais la figure de proue du mouvement est Alice Pazalmar. Covido-sceptique, antivax et adepte de diverses théories du complot, elle s’estime en «sécession» de la société et pour s’en désolidariser a brûlé son passeport en juin 2021.
Elle a longtemps animé une page Facebook, où elle évoquait notamment les questions d’éducation à domicile. Sa chaîne YouTube « ¿ Pourquoi Pas ? », lancée fin 2018 compte 34 000 abonnés Si sa page Facebook a été fermée au printemps 2021, ses vidéos permettent de suivre sa lente dérive, de la critique de la société de consommation à sa décision de désobéir et de devenir une « guerrière ».
Epilogue
Finalement, le couple et les trois autres personnes qui participaient à l’achat de la propriété ont abandonné le projet et fin octobre, ils annonçaient que les 650 donateurs de la cagnotte, ainsi que les autres, seraient remboursés « jusqu’au dernier ». Le fonds de dotation sera dissous et son compte en banque fermé.
Ce n’est pas la première fois que le caractère rural du Lot attire des communautés en rupture avec la société. Mais dans le cas de One Nation l’inquiétude vient du fait qu’il s’agit « d’un mouvement contestataire, qui appelle à la désobéissance civile, sur fond de dérive sectaire et d’orientation mystique » selon les autorités publiques.
Interrogée sur le sujet, la représentante d’Info secte Midi-Pyrénées Simone Risch s’inquiète de la mouvance complotiste qui constitue une grande partie des demandes d’aide reçues par l’association. Selon elle cette mouvance représente un « risque notamment pour les enfants qui pourraient se retrouver coupés du monde ».
(Sources : CNews & France3 Région 28.09.2021, La Dépêche 29.09.2021, Le Monde 18.10.2021 La Dépêche, 22.10.2021 & Marianne 29.10.2021)