La famille missionnaire reconnue coupable de travail dissimulé

Mardi 16 août 2022 le tribunal correctionnel d’Epinal a condamné la Famille Missionnaire Donum Dei (FMDD) à une peine de 200 000 euros pour travail dissimulé. Le tribunal a également saisi la somme de 940 000 euros sur les comptes de la Famille Missionnaire correspondant aux arriérés de rémunération et de cotisations sociales non réglées par la FMDD.

La congrégation catholique était accusée de s’être intentionnellement soustraite « aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales » d’une cinquantaine de jeunes femmes venues d’Afrique et d’Asie pour travailler dans ses restaurants. Le groupe était en outre poursuivi pour « emploi d’étranger non muni d’une autorisation de travail ». Lors de l’audience qui s’est tenue le 5 juillet, le ministère public avait requis 120 000 euros d’amende et la confiscation des sommes saisies.

Dès 2014, l’Association d’aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles (Avref) avait lancé l’alerte dans un Livre noir dénonçant « le climat autoritaire » du groupe et dévoilant les conditions de vie des Travailleuses Missionnaires (TM) : courrier lu en public, interdiction de lier amitié avec les clients des restaurants, peu de ressources personnelles, communication restreinte avec leur famille, formation réduite contrairement à ce qui leur avait été promis.

En 2015, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) est à son tour sollicitée sur l’affaire. Après avoir auditionné plusieurs anciennes TM, la Mission avait relevé « des éléments qui caractérisent la déstabilisation mentale » tels que « la diabolisation du monde extérieur, les ruptures avec l’environnement d’origine, l’absence de soins et les atteintes à l’intégrité physique ».

Finalement, en 2015, après un signalement de l’inspection du travail concernant l’établissement de Domrémy-la-Pucelle, le parquet d’Epinal ouvre une enquête préliminaire. L’affaire s’est ensuite étendue à d’autres établissements de la congrégation mais les parquets des villes concernées se sont dessaisis au profit de celui des Vosges. Au total une dizaine de plaintes ont été déposées pour « exploitation d’une personne réduite en esclavage ».

Plusieurs plaintes d’ancienne Travailleuses Missionnaires n’ont pas été retenues en raison des délais de prescription, mais sur le banc des parties civiles, une ancienne missionnaire, originaire du Burkina Faso, confirme les accusations portées contre la congrégation et raconte ses longues journées de travail et la confiscation de ses papiers.

Avocate de deux parties civiles, Me Julie Gonidec a dénoncé « un système rodé d’exploitation transnationale » qui touchait des jeunes femmes originaires du Burkina Faso, du Cameroun, du Vietnam, des Philippines ou du Pérou.

La défense avait plaidé la relaxe en raison de son statut de « collectivité religieuse » et de « congrégation », statut qui exclurait que les employées soient soumises au droit du travail ou au salariat.

La congrégation a fait appel de la décision du tribunal. 

(Sources : La Croix, 05.07.2022, Le Parisien, 16.08.2022 & 7 sur 7.be, 17.08.2022)

  • Auteur : Unadfi