États-Unis / Des mormones à la tête d’une sage insurrection

Le 5 avril 2014, une centaine de femmes mormones se sont organisées pour exprimer leur volonté de participer à une conférence sur l’ordination ouverte exclusivement aux hommes. Défilant à leur manière sur le parvis du plus grand temple mormon de Salt Lake City le groupe baptisé Ordain Women a quelque peu bousculé le bon déroulement de la conférence biannuelle de l’Église mormone. Il leur a été demandé de s’éloigner afin de ne pas briser « l’esprit d’harmonie » de cette rencontre.


Sans pancarte ni slogan, vêtues de leurs habits du dimanche, elles se sont contentées de faire comme les hommes : acheter des billets pour assister à la conférence. Chacune à son tour s’est vue refuser son billet.

L’objectif de ces femmes est l’accès à la prêtrise. Mais le mormonisme a une aversion naturelle pour le changement. Il y a encore peu, les noirs n’étaient pas autorisés à être ordonnés prêtres ou à servir comme missionnaire. Alors que la monogamie est aujourd’hui de rigueur, on enseigne encore que les hommes pourront avoir plusieurs femmes « dans l’au-delà » et que la polygamie pourrait être rétablie si le prophète reçoit le « feu vert » de Dieu lors d’une révélation. Ces femmes ne réclament même pas de hautes fonctions au sein de l’Église mais simplement d’avoir les mêmes droits que ceux accordés à des jeunes hommes âgés de 12 ans. Elles veulent pouvoir bénir leurs enfants lorsqu’ils sont malades. Elles pensent que l’égalité est nécessaire pour avoir des relations saines et des communautés qui fonctionnent bien ». Elles pensent que l’Eglise doit pouvoir s’appuyer sur les talents et les capacités de chacun des membres. Sous-utiliser, rejeter ou entraver les contributions de la moitié des membres est une stratégie vouée à l’échec.

Le mouvement Ordain Women n’a pourtant rien d’une rébellion : « Nous ne sommes pas des activistes, ni des militantes […]. Nous sommes des membres de l’Église. Nous voulons y participer en tant que tel… et non pas la diviser », a expliqué Kate Kelly, avocate des Droits de l’Homme à Washington et co-fondatrice du groupe. Ce grade religieux leur permettrait notamment de procéder à des baptêmes, des bénédictions, et les autoriserait à prendre la tête d’une congrégation.

Les leaders de l’Eglise ont fait savoir à ces femmes qu’ils étaient déçus par ce qu’ils ont estimé être le « refus d’accepter les orientations générales » et le refus d’obtempérer. Pour marquer leur désapprobation, le premier discours de la conférence fut le sermon de l’apôtre Dallin H. Oaks qui explique pourquoi les femmes ne pourront jamais avoir accès à la prêtrise.

Ayant réussi à attirer la curiosité des médias, Ordain Women a remporté une petite victoire : l’Église a annoncé que, pour la première fois, la réunion de la prêtrise serait diffusée en direct à la télévision et sur Internet, invitant ces dames à assister à la conférence mais à la maison !

Sources : The Atlantic, 11.04.2014 & The Guardian, 06.04.2014