Esotérisme enseigné à la fac de Strasbourg

Une enquête menée par Antonio Fischetti pour Charlie Hebdo a révélé l’existence de formations en médecine anthroposophique à l’université de Strasbourg. Appliqués à l’oncologie et la rhumatologie, ces cours sont proposés dans le cadre de la formation continue. Selon le site de l’université, la médecine anthroposophique « propose un élargissement de la médecine universitaire sur laquelle elle se fonde, en intégrant dans sa démarche les niveaux biologiques, psychologiques et spirituels de l’homme ».

L’Anthroposophie voit la maladie comme un « message divin lié au karma », « une bénédiction pour aider à vaincre les péchés » qu’il ne faut pas « empêcher pour ne pas entraver le processus karmique » au risque « d’avoir des problèmes encore plus graves dans une vie future. ». Selon Grégoire Perra, ex-adepte du mouvement, « la maladie permet une forme d’amélioration de son être profond. Le médecin anthroposophe ne cherche donc pas tant à guérir son patient de ses maladies qu’à lui permettre une sorte de salvation de l’âme. » Ce qui explique que certains médicaments ainsi que la vaccination ne soient pas recommandés. Cependant, les médecins anthroposophes ne sont pas contre l’homéopathie car elle « peut susciter l’autoguérison ». Grégoire Perra a été témoin de toutes sortes de prescriptions étranges. Pour soigner son bruxisme, il lui a été conseillé de masser ses mollets « car les dents sont des réincarnations des pieds et des jambes ». Une personne atteinte de dépression s’est vue conseiller par son médecin « de manger des salades spécialement broyées avec une machine venue d’Allemagne coûtant plus de 500 euros ».

Quant au cancer, ils le soignent avec une préparation à base de gui fermenté appelée viscum album. Le choix du gui n’est pas anodin dans la mythologie anthroposophe : considéré comme un « être à la foi végétal et animal » il agirait à la fois sur le corps éthérique et sur le corps astral respectivement liés au végétal et à l’animal. Les anthroposophes sont convaincus de son efficacité, pourtant des nombreuses études scientifiques ont conclu à son absence d’effet.

Plus grave, selon Antonio Fischetti, « ce genre de thérapies détourne généralement les patients des vrais traitements ». Ainsi, sur le site de l’université de Strasbourg on peut lire que la « rhumatologie anthroposophique » « permet de diminuer voire d’éviter les traitements conventionnels ». Grégoire Perra ajoute qu’il a connu des personnes décédées du cancer qui avaient abandonné leur traitement conventionnel pour se soigner avec la médecine anthroposophique.

Interrogé par le journaliste sur la présence d’une formation basée sur des concepts ésotériques au sein d’une université, le Conseil national de l’ordre a répondu qu’il ne peut s’y opposer car les universités sont « autonomes et peuvent délivrer les cours qu’elles veulent ».

L’université est d’autant plus encline à proposer cette formation qu’à 1 000€ la semaine par stagiaire, « elle représente un apport financier non négligeable pour la fac ».

« Qu’une fac dispense des cours de médecine anthroposophique, cela contribue à brouiller les repères entre Raison et pensée magique », s’indigne Antonio Fischetti. Il ajoute, « on n’a pas besoin de ça, surtout dans le contexte actuel, où la pensée rationnelle recule de plus en plus devant les délires obscurantistes ».

(Source : Charlie Hebdo, 22.01.2020)

  • Auteur : Unadfi