Deux mormons repentis sèment le trouble dans l’Eglise des Saints des Derniers Jours

Le premier David A. Nielsen, ex mormon et ancien gestionnaire de placements dans la société mormone Ensign Peak Advisors, a déposé plainte auprès de l’administration fiscale américaine en 2019. Le second, James Huntsman, ancien membre influent de l’Eglise, réclame le remboursement de la dîme qu’il a versée entre 1993 et 2017, soit cinq millions de dollars. Les actions en justice des deux hommes ont eu des répercussions sur leur vie personnelle, mais aussi sur l’organisation.

David A. Nielsen a accusé Ensign Peak Advisers d’avoir enfreint les règles fédérales fiscales. La société aurait stocké, à des fins autres que caritatives, un excédent de dons qui s’élèverait à près de 100 milliards de dollars. Deux milliards de dollars auraient notamment été « utilisés pour renflouer une compagnie d’assurance gérée par l’église et construire le centre commercial haut de gamme, City Creek ». En février de cette année, la Securities and Exchange Commission des États-Unis (SEC) a accusé la société d’avoir « déposé pendant 22 ans des déclarations inexactes sur ses investissements et de créer des sociétés écrans pour garder ces transactions secrètes ». Selon la SEC, Ensign Peak Advisers et l’Eglise mormone auraient respectivement accepté de payer 4 millions et 1 million de dollars d’amende.

David A. Nielsen avait commencé à travailler pour Ensign Peaks en 2010. Pour lui, qui venait de Wall Street, « aider à orienter les finances de l’Eglise était à la fois comme une opportunité professionnelle et un service spirituel. » La déception a été profonde quand il a découvert que des milliards auraient été dépensés pour autre chose que des causes caritatives, missionnaires ou éducatives.

James Huntsman, qui avait été déçu par l’Eglise et la « ligne floue autour de la polygamie », l’a quittée lorsqu’elle a rejeté les couples et des familles LGBT au milieu des années 2010.

Lorsque que Nielsen a déposé sa plainte, les reproches théologiques de Huntsman, se sont transformés en colère contre l’Eglise. Il n’a pas supporté que les 10 pour cent de revenus qu’il versait à l’organisation ne soient pas utilisés comme promis. Il a intenté un premier procès en 2021, accusant l’Église de fraude. Initialement rejeté par un juge fédéral, il a été a été relancé en 2023.

Si le départ d’Huntsman a occasionné quelques ruptures avec des membres de sa famille, la plupart de ses proches lui ont apporté un grand soutien.

Pour Nielsen, les conséquences de sa plainte ont été plus graves. Il n’a pas pu retrouver de nouvel emploi dans la finance à Salt Lake City, où, selon lui, beaucoup d’entreprises sont liées à l’Église mormone. L’entreprise de sa femme a perdu une bonne partie de sa clientèle mormone. Il a également vécu des ruptures douloureuses avec certains proches.

Depuis le dépôt des plaintes des deux hommes, des mormons se sont manifestés en faveur d’une réforme et d’une plus grande transparence au sein de l’Eglise. L’affirmation des deux hommes selon laquelle les dirigeants de l’Église auraient « menti sur la manière dont les dîmes sont utilisées » auraient été le déclencheur de plusieurs défections récentes.

Même les plus ardents défenseurs de l’Église reconnaissent que « L’argent frappe les gens à un tout autre niveau », que les débats théologiques.

Mais ces deux affaires soulèvent de plus larges questions sur l’utilisation des dons par les groupes confessionnels. Pour L’Eglise des Saints des Derniers Jours, la plainte de Huntsman empiéterait sur « l’autonomie de l’Église protégée par le premier amendement ».

Un expert (leader régional de l’Eglise mormone), qui a rédigé un mémoire pour Becket Law, une entreprise qui travaille sur la protection des droits religieux et des exemptions, a déclaré au Washington Post que « si un donateur pouvait avoir son mot à dire directement sur les décisions de dépenses cela mettrait les organisations caritatives dans une position précaire » et que « La dîme est intrinsèquement une pratique religieuse » ajoute-il, et il est normal que « les groupes confessionnels en particulier prennent des décisions de dépenses « guidées par l’inspiration, la révélation et les principes religieux ».

À propos de l’affaire Huntsman, un bref communiqué de l’Église indique qu’Il n’y a pas eu de fraude. 

(Source : Washington Post, 09.09.2023)

  1. Lire sur le site de l’Unadfi : Les mormons accusés d’enfreindre les règles fiscales fédérales américaineshttps://www.unadfi.org/non-classe/les-mormons-accuses-denfreindre-les-regles-fiscales-federales-americaines/
  • Auteur : Unadfi