L’Australie est actuellement le théâtre de deux procès inhabituels autour des circonstances de la mort de deux personnes décédées à deux ans d’intervalle lors d’une cérémonie chamanique.
Natasha Lechner et Jarrad Antonovich, tous deux atteints de maladies, et venus chercher la guérison, sont morts d’empoisonnement lors d’une cérémonie chamanique censée détoxifier leur corps, une cérémonie de kambo.
Le kambo (ou sapo) est le venin d’une grenouille utilisé par les peuples autochtones d’Amérique du Sud lors de cérémonies de purification. La substance secrétée par la peau de l’animal est appliquée sur de petites brûlures préalablement pratiquées sur tout le corps. Elle a pour effet d’augmenter la tension artérielle, le rythme cardiaque et de provoquer des défécations et des vomissements.
Natasha Lechner est morte en 2019. Atteinte d’une maladie dégénérative qui la faisait souffrir du dos, elle s’était tournée depuis plusieurs années vers les médecines alternatives et la spiritualité pour soulager ses douleurs. Ayant découvert le kambo, elle avait décidé de se former pour devenir praticienne mais n’avait jamais été avertie de la haute toxicité de cette substance. Elle est morte seulement dix minutes après que celle-ci lui a été appliquée par une autre adepte auprès de laquelle elle se formait. Le rite se déroulant au domicile de la victime, une ambulance n’a pu être appelée qu’au retour de sa colocataire.
Jarrad Antonovich a souffert plusieurs heures avant de mourir lors d’une retraite de six jours en 2021. Atteint de lésions cérébrales après un accident de voiture survenu 20 ans plus tôt, il avait recours aux soins alternatifs espérant y trouver des solutions que la médecine ne pouvait pas lui apporter. Le jour de sa mort, des témoins l’avaient vu souffrant, mais n’ont rien fait. Plus tard, il avait été revu incapable de marcher, le cou et le visage gonflés. Ce n’est que lorsqu’il s’est évanoui qu’une ambulance a été appelée. Arrivés sur place les ambulanciers se souviennent avoir été repoussé empêchés de s’approcher du corps de Jarrad par une femme qui les accusait d’interférer avec son aura. Mais personne ne leur a dit qu’il avait consommé du kambo et probablement de l’ayahuasca. On leur a suggéré qu’il souffrait d’une crise d’asthme alors que son œsophage s’était rompu sous l’effet de violents vomissements.
Ces deux affaires pour lesquelles aucun verdict n’a encore été rendu, ont eu pour conséquence l’interdiction du kambo en 2021. L’ayahuasca est, quant à elle, illégale depuis longtemps en Australie. Mais malgré leur interdiction, la demande est forte et certains importent illégalement ces substances.
Pour Teresa O’Sullivan, la magistrate qui instruit le dossier, ces deux affaires ont confirmé qu’il est prioritaire d’identifier les moyens pour prévenir de tels décès et d’encadrer davantage ces pratiques alternatives.
(Source : BBC, 10.05.2023)