Mary et Sally, deux femmes de Melbourne, ont perdu leur soeur Annie* devenue adepte de Shincheonji (SCJ) en 2014. Elles ne la reconnaissent plus dans cette adepte obsédée par les études bibliques, la lecture des revues du groupe, et le prosélytisme.
Originaires de Malaisie, toutes trois sont venues en Australie pour étudier. Annie a été la victime de la stratégie du groupe qui infiltre des communautés chrétiennes pour recruter de nouveaux membres. Elle qui avait une maîtrise en architecture n’étudie plus et ne travaille plus se consacrant uniquement à la secte. Le groupe occupe toute la place dans sa vie si bien qu’elle a rompu tout lien avec sa famille, à tel point qu’elle ne s’est pas rendue à l’enterrement de sa grand-mère. Raphaël Aron, directeur de Cult Consulting Australia, explique que le groupe éloigne les adeptes de leur famille non seulement physiquement, mais aussi émotionnellement « parce que leurs émotions sont toutes dirigées vers et par le groupe ».
Les adeptes sont constamment sollicités par SMS, et doivent être disponibles jour et nuit. Ils étudient 24 heures sur 24 les textes du groupe et doivent passer de nombreux examens pour atteindre les plus hauts niveaux de l’organisation. Très prosélytes, ils placardent, souvent au milieu de la nuit, des affiches sur les campus universitaires.
Secte apocalyptique, SCJ enseigne que le mensonge est permis pour accomplir « le dessein de Dieu ». Le groupe utilise pour recruter deux associations promouvant la paix : Heavenly Culture, World Peace, Restoration of Light (HWPL) et International Youth Group. Bien que des représentants de Shincheonji le nient, The Australian affirme que HWPL est essentiellement dirigé par le gourou Man Hee Lee. Usant de ces « vitrines », SCJ a pu louer plusieurs salles dans des locaux publics de la ville de Melbourne, dont deux universités, pour donner des conférences.
Annie n’est pas la seule victime de SCJ. La vie de Steve*, un quinquagénaire de Melbourne, a basculé lorsque sa femme, recrutée via une étude biblique en ligne, a rejoint l’Eglise. Bien que vivant encore avec elle, il ne la voit plus. Devenue fanatique, elle est absente seize heures par jour, sept jours sur sept et elle consacre tout son temps au groupe, si bien qu’elle ne parle plus ni à son mari, qualifié de diable, ni à ses enfants.
L’universitaire, Peter Daley, spécialiste des sectes coréennes, affirme que Shincheonji est l’une des sectes coréennes les plus actives. Selon lui les témoignages dénonçant les pratiques du groupe se multiplient depuis 2015. Les témoins confirment les ruptures familiales, l’abandon des études ou du travail.
Raphaël Aron ajoute que la Corée est un terreau très fertile pour les sectes très tournée vers le christianisme. Vivant sous la menace constante de la Corée du Nord, nombre de coréens cherchent l’espoir dans la religion.
(Source : The Australian, 24.02.2018)
* Prénoms d’emprunt pour éviter des représailles de la filiale australienne de Shincheonji.