Bugarach dix ans après la fin du monde qui n’a pas eu lieu

Le 21 décembre 2012, des centaines de personnes s’étaient rassemblées dans ce village occitan en espérant survivre à l’apocalypse supposée du calendrier maya. Deux journalistes sont retournés, 10 ans plus tard, dans ce haut lieu d’ésotérisme et en ont tiré un livre, La Montagne inversée.

La fin du monde ne s’est pas produite. Alors, qui peuple Bugarach aujourd’hui ? Les deux auteurs Romain Lescurieux et Antonin Vabre ont refait le voyage en 2022. 

L’autoproclamé « Christ cosmique » de l’époque, Sylvain Durif, a fini par quitter cette terre, expulsé par les gendarmes pour n’avoir pas payé ses loyers. Il se trouve maintenant au Sénégal.

Ceux qui sont restés ou qui arrivent dans le village ne sont pas là par hasard. Nés sur place ou néo-ruraux portés par la vague New Age, les habitants entendaient fonder des communautés hippies. D’autres se sont installés sur ce territoire après la crise du Covid. Conséquence : on compte 236 Bugarachois en 2022 contre 180 en 2012. Un petit succès qui s’explique par des circuits organisés, des stages, retraites spirituelles dont les gens entendent parler par les réseaux sociaux. Les prix de ces offres ont d’ailleurs augmenté significativement. Un stage estimé à 350 euros les 3 jours dans les années 2000 coûte aujourd’hui 2 000 euros pour 4 ou 5 jours.

Dans ce village où l’ésotérisme et l’ufologie sont répandus, le maire a éprouvé quelques difficultés à faire respecter le port du masque lors de la pandémie. Des noms de figures complotistes connues comme Thierry Casanovas ou des discours conspirationnistes issus du groupe américain QAnon trouvent aussi un écho particulier à Bugarach.

Confrontée à un taux de chômage élevé, la pauvreté, la désindustrialisation et la fuite des jeunes, la haute vallée de l’Aude devient un désert médical à tel point qu’il devient plus facile de « trouver un chaman ou un guérisseur qu’un rendez-vous avec un médecin sur Doctolib ». De la même manière, « si certaines personnes choisissent l’accouchement à domicile, c’est aussi parce que les hôpitaux sont très éloignés ». Et les informations circulent sur internet essentiellement ; espace où se propagent des discours complotistes sans contradiction.  

(Source : Libération,  21.12.2022)

  • Auteur : Unadfi