121 morts lors d’un rassemblement religieux, six personnes interpellées

Mardi 2 juillet, un rassemblement religieux a viré au drame dans le nord de l’Inde. Une bousculade a provoqué la mort de 121 personnes, essentiellement des femmes. Le gourou au centre de l’événement, déjà connu pour ses démêlés avec la justice, n’est pas réapparu en public depuis.

Près de 250 000 personnes se sont rassemblées, mardi 2 juillet, à Hathras, dans l’Uttar Pradesh, pour assister à un rassemblement orchestré par Suraj Pal Singh, 58 ans, un gourou plus connu sous le nom de Bhole Baba. Alors que sa voiture quittait les lieux, la foule s’est ruée sur le véhicule pour tenter de l’apercevoir et une bousculade a éclaté. Elle a coûté la vie à 121 personnes, dont 112 femmes et sept enfants. Des vidéos, largement diffusées sur les réseaux sociaux, témoignent de l’horreur du drame, les victimes étant écrasées et étouffées. Ce scénario funeste aurait sans doute pu être évité. Selon le premier rapport des autorités, la foule était quatre fois plus importante que la jauge autorisée et seuls 70 policiers étaient mobilisés. Au Parlement indien, les députés ont observé une minute de silence. Le premier ministre Narendra Modi a déploré un « accident tragique » et promis que les familles des défunts recevraient une indemnisation.

Le gourou retranché dans un monastère

Une plainte a été déposée contre les organisateurs de l’événement, accusés de « défaut d’encadrement ». Le gourou, lui, s’est volatilisé. Deux autres rassemblements étaient prévus plus tard ce mois de juillet près de la ville d’Agra où se trouve le Taj Mahal. Six personnes ont été arrêtées deux jours après le drame. Selon l’inspecteur général de la police, Shalabh Mathur, « elles travaillaient en tant que bénévoles et s’occupaient de la gestion des foules et de la collecte de fonds ». Le prédicateur hindou affirme ne pas se cacher. Par la voix de son avocat, il dit « se dégager de toute responsabilité ». Reste qu’il n’a plus été vu en public. Selon des médias locaux, il se serait retiré « dans un monastère à Mainpuri dont les portes ont été fermées avec des chaînes, de l’intérieur, par des fidèles ». Une vingtaine de policiers montent la garde à l’extérieur du bâtiment, protégé par un mur d’enceinte de cinq mètres de haut.

« Une réincarnation de Dieu » selon ses fidèles

Suraj Pal Singh a été agent de police local pendant une décennie avant de quitter ses fonctions dans les années 90, sous la contrainte, à la suite d’allégations d’agressions sexuelles… Il s’est alors autoproclamé prédicateur. Contrairement à d’autres gourous indiens, il se tient loin des médias mais bénéficie d’une audience considérable dans les zones rurales. Ses adeptes ont pour habitude de se précipiter pour ramasser la poussière sous ses pieds. Né dans une famille de fermiers, dans le village de Kasganj, près de la région de Hathras où a eu lieu la bousculade, aîné de trois enfants, il voyage à travers les États de l’Uttar Pradesh, du Rajasthan et du Madhya Pradesh, dans la ceinture nord de l’Inde, où il a une grande audience, et donne des discours le premier mardi de chaque mois. Membre de la communauté Dalit, une caste inférieure en Inde, Bhole Baba (que l’on peut traduire par Vénérable innocent) est considéré par ses fidèles comme une réincarnation de Dieu. Selon un document affiché sur le site de l’incident, il dit vouloir créer « une société idéale, libérée de la superstition et pleine de compassion ».

En Inde, le mot gourou n’a pas de connotation négative ou sectaire mais « ce statut religieux est extrêmement contrôlé par les instances officielles », indique le père Yann Vagneux, prêtre des Missions étrangères de Paris à Bénarès et spécialiste de l’hindouisme. Le problème est que, ces dernières années, de nombreux « faux gourous » ont prospéré. « Ils servent souvent les hommes politiques en leur fournissant un public fervent, à l’instar de Bhole Baba », ajoute le prêtre. « Les partis, notamment le BJP du Premier ministre Narendra Modi, se sont beaucoup appuyés sur ces figures populaires ».

En 2022, Bhole Baba avait déjà organisé un rassemblement religieux en pleine pandémie de Covid-19. L’administration n’avait autorisé que 50 personnes à assister à l’événement, qui en avait finalement regroupé 50 000.

Les rassemblements religieux en Inde détiennent un triste record d’épisodes mortels notamment en raison de lacunes en matière de sécurité. 

(Sources : La Croix & Courrier International, 03.07.2024, Reuters & La Presse, 04.07.2024)

  • Auteur : Unadfi