Que sait-on de la kinésiologie ?

La kinésiologie est une technique psycho-corporelle développée dans les années 60 aux Etats Unis. Son initiateur est un chiropracteur, Georges Goodheart qui, s’inspirant de la médecine chinoise et de la théorie des méridiens corporels (utilisés notamment dans l’acupuncture). Il met au point un test musculaire dont le but est de communiquer avec notre corps et nos émotions.

Selon lui, il existe des liens physiques mais également énergétiques entre les muscles, les organes et les méridiens. Tout dysfonctionnement est accompagné par une faiblesse musculaire spécifique, qui permet le diagnostic de maladies par des tests musculaires. Le test musculaire permet de mettre à jour le déséquilibre
énergétique et c’est sur ce déséquilibre que le kinésiologue travaille.

Cette théorie sera par la suite reprise et développée par d’autres praticiens et aboutira à trois formes spécifiques de la kinésiologie :

1. Le «Touch for Health» ou «Santé par le Toucher», développé par John Tie, élève de Goodheart, ouvre la kinésiologie à de nouvelles applications.
 » Certains muscles seraient en correspondance avec des organes précis, qui eux-mêmes, sont en relation avec des méridiens d’acupuncture. C’est ainsi qu’un grand nombre de problèmes médicaux pourraient être traités, tels que des syndromes douloureux, en particulier la migraine, des affections vertébrales, des blocages, des troubles digestifs, gynécologiques, allergiques « .
_ La kinésiologie ne se contente plus de diagnostiquer le trouble mais permet également de le traiter.

2. Le «Brain Gym» ou «Edu-kinésiologie», mis au point par Paul Dennison, se présente comme une méthode éducative qui consiste à améliorer la communication entre les deux hémisphères cérébraux grâce à des exercices corporels spécifiques.
_ « Etude du système musculaire et de sa relation avec un apprentissage mettant en jeu le cerveau dans sa globalité ».
_ Cette méthode est particulièrement destinée aux enfants, notamment dans le traitement de troubles comme la dyslexie, trouble de l’écriture, de la mémoire, difficultés scolaires…

3. Le « trois en un » ou « One brain » qui oriente la pratique de la kinésiologie vers le domaine psychique, son but étant la levée des blocages émotionnels de l’individu qui s’inscrivent dans le corps, notamment sous forme de stress.

Le statut du kinésiologue

Le kinésiologue se défend de pratiquer des actes médicaux, il prétend être seulement un « facilitateur » qui interroge le corps et qui rétablit les circuits énergétiques perturbés, ce qui permet au patient de renouer le dialogue avec son corps, le pouvoir serait ainsi restitué à la personne.

Dans un document interne, à l’usage des kinésiologues « la place du kinésiologue en France, et face aux administrations, aux organismes officiels et au public », s’inscrit une volonté affichée de cacher le terme de kinésiologue et de les présenter comme des éducateurs, et la kinésiologie comme une méthode d’apprentissage (apprendre grâce au test musculaire) et non comme une méthode de soin.

Pourtant, dans les faits, la kinésiologie s’apparente à une méthode de guérison énergétique. Si le but au départ était d’aider le praticien à émettre un diagnostic, elle est devenue par la suite une technique à visée holistique, visant également la guérison physique, psychique et énergétique.

Dans le livre « Toute la kinésiologie »Toute la kinésiologie, le corps au service de votre santé, Freddy Ptschka, le Souffle d’Or, 1990, 201 p.]], on peut lire :

« Cancer : Miriam vient me voir avec un diagnostic de tumeur au cerveau. A cause de sa santé délicate nous dûmes effectuer les procédures d’équilibrage énergétique lentement, et les corrections des allergies prirent 5 séances. Dans les deux semaines qui suivirent la fin de ce processus, les radios ne montraient plus aucune évidence de la tumeur (…). »

Les cancers sont présentés comme des réactions allergiques à une substance déterminée. L’allergie étant une « perturbation énergétique » qu’il est possible de corriger jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de réaction allergique. Le corps mettant en oeuvre ses propres forces d’auto-guérison.

Formation et champs d’application

La kinésiologie dépasse largement son cadre d’origine, ses applications semblent innombrables : boulimie, dyslexie, difficulté d’apprentissage, développement personnel, gestion du stress, dépendance (alcool, drogue), problèmes relationnels, fatigue, migraines, douleurs de dos, problèmes ORL, nutrition, allergies, dentisterie, sport, musique, dessin, langues, pour ne pas tous les citer…

Comment s’y retrouver car il existe désormais toutes sortes de kinésiologies appliquées à toutes sortes de domaines. Les écoles proposent des spécialités :
 

  • réflexo-kinésiologie plantaire : associant kinésiologie + réflexologie

  • plantaire

  • kinésiologie de reprogrammation : kinésiologie + PNL

  • kinésiologie essentielle : naturopathie, fleurs de Bach ….

  • kinésiologie holographique : travail sur les auras

  • kinésiologie visuelle : travail sur les couleurs

  • kinésiologie périnatale : travail autour du foetus

  • kinésiologie de la nutritition

La kinésiologie peut être liée à de nombreuses autres méthodes issues de la psychothérapie et des médecines alternatives comme le massage, l’utilisation d’huiles essentielles, l’hypnose ou l’ostéopathie mais aussi les constellations familiales, le décodage biologique, les enfants indigo, [le reiki….

La kinésiologie dans ses formes actuelles s’apparente de plus en plus à une « médecine globale de l’être », on ne traite plus seulement un symptôme mais la personne dans son entier. En utilisant ces autres techniques, le kinésiologue sort de son rôle initial d’éducateur pour devenir thérapeute.

Kinésiologie et enfants

Les enfants représentent une clientèle potentielle importante pour la kinésiologie, notamment par le biais de l’Edu-k. De nombreuses personnes travaillant dans le secteur médical et utilisant cette technique auprès des enfants peuvent être médecins, orthophonistes, auxiliaires de santé, les enfants sont suivis souvent pour des troubles de l’apprentissage, dyslexie, sport…

Un autre secteur particulièrement visé par la kinésiologie est celui de l’éducation, les chefs d’établissement, instituteurs sont sollicités pour suivre des stages et des conférences, ou pour que des kinésiologues interviennent dans les établissements.

Dans le rapport 2001 de la [1], il est précisé : les kinésiologues « sont invités à pratiquer auprès d’une clientèle d’enfants. Il leur est indiqué qu’avec l’expérience, elles pourront ensuite prendre en charge des adultes. L’attention de la Défenseure des enfants a été attirée par la Mission sur ces initiatives particulièrement inquiétantes ».

Les ADFI ont de leur côté, reçu des témoignages qui nous ont alerté : notamment le cas d’un jeune enfant en difficulté scolaire. Le kinésiologue détectera dans un premier temps chez cet enfant des signes de relation incestueuse puis reviendra sur ces déclarations. Ces révélations successives et contradictoires, qui de fait s’apparentent plus à un diagnostic de type psychologique, déstabiliseront profondément la cellule familiale.

Une instruction judiciaire en cours.

En 2000, un jeune bébé de 16 mois, dont les parents étaient formateurs kinésiologues, est décédé de malnutrition et de défaut de soin. Le bébé recevait une nourriture exclusivement végétalienne, selon les principes diététiques du couple.

Nous avons également des témoignages de grands-parents inquiets pour leurs petits enfants, le praticien ayant entraîné progressivement dans ses pratiques les deux parents puis les enfants.

Ce que nous en pensons

Ce programme, qui promet santé, équilibre et bonheur par une approche corporelle simple, nous oblige à une mise au point :

1/ les notions sur lesquelles s’appuie la kinésiologie ne sont pas validées par la médecine et les scientifiques occidentaux. Le statut de kinésiologue n’est pas reconnu par l’Ordre des Médecins. L’Association des Allergologues et Immunologues du Québec (AAIQ), a publié
sur son site une étude : « Kinésiologie appliquée : tests musculaires pour allergies et déficiences nutritionnelles » visant à démontrer la validité de certains présupposés de la kinésiologie qui énoncent qu’en mâchant certains aliments on peut déterminer s’ils sont bénéfiques ou néfastes (allergènes) pour l’organisme à l’aide du test musculaire.

Une série de tests a donc été menée, en voici la conclusion :

« Les concepts de la kinésiologie appliquée ne sont pas conformes aux réalités scientifiques reliées aux causes ou traitements des maladies. Des études contrôlées n’ont pas démontré de différences entre les résultats avec les substances évaluées et avec les placebos. Des différences d’un test à l’autre peuvent être dues à la suggestion,
la distraction, les variations dans le degré de force ou angle de l’application et/ou la fatigue musculaire. Si vous rencontrez un pratiquant qui se [fonde] sur l’évaluation musculaire kinésiologie appliquée pour un diagnostic, partez le plus vite possible. »

2/ La formation à la kinésiologie, très onéreuse, est ouverte à tout le monde sans aucune connaissance spécifique préalable ; elle pourra être appliquée sans contrôle sérieux sur les praticiens.

Parfois, le kinésiologue exerce au départ une autre profession de type
paramédical (chiropractie, ostéopathie…) et utilise la kinésiologie comme une technique complémentaire.

Il existe aujourd’hui de plus en plus de personnes, anciens patients ou néophytes qui se forment à la kinésiologie en dehors de tout autre certification ou diplôme dans les secteurs médicaux ou paramédicaux. Une brochure d’une école de kinésiologie précise d’ailleurs: « Malgré la complexité de l’approche, la formation en kinésiologie n’est pas réservée aux professions médicales et paramédicales ; elle est ouverte à tout le monde sans aucune connaissance préalable ». En quelques semaines, ils se forment donc à l’anatomie du corps humain, à la typologie des maladies ainsi qu’à des notions de psychologie.

On touche, notamment avec la technique du « One brain », au domaine de la psychothérapie, le risque encouru est de voir se développer des psychothérapies sauvages, avec des risques d’emprise dus notamment à une absence de contrôle du « transfert » et « contre-transfert » s’opérant entre le patient et le thérapeute.

Citons dans les applications psychothérapeutiques de la kinésiologie, le « One brain » qui fait de la « récession d’âge », une technique qui s’apparente au [rebirth. Il s’agit d’une remontée dans le temps avec le test musculaire comme « panneau indicateur », celle-ci pouvant aller jusqu’à la naissance ou même la conception (sic).

Le praticien qui s’est formé aux trois domaines d’application de la kinésiologie (Touch for Health, Edu-K, One brain) devient un thérapeute du corps mais également de l’âme et un éducateur. Triple casquette qui lui donne une emprise particulière sur son « patient ».

3/ Certains cycles de kinésiologie appliquée plus approfondis s’appuient sur des notions ésotériques parfois dangereuses si elles s’appliquent à des sujets fragiles, déprimés ou présentant des troubles neuropsychiatriques.

4/ Cette approche peut faire l’objet de dérives diverses ou être récupérée à des fins de mise sous emprise, parfois sectaire. Les témoignages que nous avons reçus font état de ruptures familiales dues à une implication toujours croissante dans la kinésiologie, les personnes entrent peu à peu dans un système qui, du langage
à la nutrition, gère leur vie et qui parfois peut déboucher sur des comportements obsessionnels et une incompréhension mutuelle avec l’entourage.

Certains individus fragiles se laisseront séduire par les promesses de certains praticiens et il s’engageront dans un processus progressif que nous connaissons bien dans les dérives sectaires : abandon de la personnalité, reconstruction, dissociation, ruptures des liens, intérêt exclusif pour les nouvelles théories, fréquentation de stages, dépenses mettant en danger le budget familial.

Source : Bulles n°81, 1er trimestre 2004, Sectes… restons vigilant

[1] MILSRemplacée par la MIVILUDES depuis le 28 novembre 2002