Que penser des cures détox ? 

Malgré le succès des remèdes de désintoxication, leur bénéfice reste à démontrer – alors qu’ils entretiennent de nombreux mythes délétères.

Le concept de la détoxification perdure depuis des millénaires. Selon le docteur Labos, cardiologue et épidémiologiste, « nous pratiquons une forme de détoxification depuis l’Antiquité ». C’est lors du développement de la théorie des germes, au cours du 19e siècle, que cette croyance répandue a finalement pu être réfutée.

Mais comment expliquer, alors, le succès persistant de ce mythe ? La réponse se situe probablement dans les arguments mobilisés par les promoteurs de la détox, qui semblent répondre à une certaine logique : il peut sembler tout à fait sensé, voire nécessaire, d’aider notre corps à éliminer les toxines accumulées, en particulier dans un contexte de multiplication des scandales liés à divers polluants présents dans notre environnement, comme les PFAS (ou polluants éternels) ou les perturbateurs endocriniens. S’ajoute le rejet ressenti par certaines personnes vis-à-vis des institutions médicales, qui peut les rendre plus perméables à des informations de santé alternatives.

Ainsi, il y a presque 10 ans déjà, le chercheur Edzard Ernst s’insurgeait dans le Guardian contre les produits de détox, qu’il présentait comme une « exploitation criminelle des crédules ». Selon cet ancien médecin, les cures détox promettent « un remède simple qui nous libère de nos péchés ». « Lorsque la plupart d’entre nous prononçons le mot « détox », c’est généralement lorsque nous avons les yeux embrumés et que nous sortons en titubant du mauvais côté d’un week-end chargé », ajoute l’expert des PSNC. Des propos confirmés par les indicateurs des moteurs de recherche, qui montrent que les recherches pour « détox » augmentent régulièrement en janvier, après les fêtes.

De fait, aujourd’hui encore, la détoxification représente un marché colossal : selon des recherches récentes, le marché mondial des produits de bien-être détox, de 49 milliards de dollars en 2019, atteindra 80,4 milliards de dollars d’ici 2030. Et rien qu’en 2018, les habitants des Etats-Unis auraient dépensé plus de 62 millions de dollars en thés détox.

Sans surprise, le mythe de la désintoxication fait donc le bonheur des praticiens peu scrupuleux. La nouvelle pratique en vogue, la plasmaphérèse, est ainsi proposée par des cliniques privées costaricaines à de riches touristes en quête d’optimisation de leur santé. Cette thérapie consiste à prélever le plasma du patient et à le remplacer par du plasma synthétique. La plasmaphérèse est mobilisée par la médecine dans le cadre de certaines pathologies afin d’éliminer les contaminants présents dans le sang de personnes atteintes de maladies auto-immunes, souffrant de défaillance d’organes, ou ayant récemment subi une transplantation d’organes.

Toutefois, cette pratique n’apporte aucun bénéfice aux personnes en bonne santé. Et plus particulièrement, la plasmaphérèse ne permet pas d’améliorer les processus de détoxification du corps. D’autant que ce dernier est particulièrement performant dans cette tâche, un large éventail d’organes étant mobilisés dans ce but : reins, foie, peau, poumons…

Cette technique a pourtant été plébiscitée par certaines figures sportives, comme l’ancienne pilote de course professionnelle Danica Patrick. En avril 2023, elle décrivait sur son compte Instagram le traitement suivi – pour un coût d’environ 10 000 dollars – afin de nettoyer « une grande majorité du sang » en « se débarrassant des métaux et des moisissures ». Sa publication est accompagnée d’une photo d’un sac contenant un liquide marron foncé, qu’elle explique être son ancien plasma. Des propos qui perpétuent le mythe selon lequel des toxines s’accumulent dans notre corps sous la forme de saletés éliminables – alors que la couleur du plasma de Patrick est celle d’un plasma sain, et donc tout à fait normale. Les réseaux sociaux constituent ainsi un terrain fertile pour les contenus détox. Sur TikTok, on retrouve par exemple plus de 132 millions de publications sous le hashtag #detox.

En réalité, de multiples méthodes sont mobilisées dans un but de détox : cures, jeûnes à base de jus, compléments alimentaires, séances de sauna… Si certaines de ces pratiques peuvent participer au bien-être d’une personne, elles ne permettent pas d’éliminer les toxines de son corps. Et ont parfois même un effet inverse, en dégradant les systèmes de détoxification du corps ; les compléments alimentaires seraient ainsi responsables de 20% des lésions hépatiques toxiques aux États-Unis.

Dans ce cas, que pouvons-nous faire pour aider notre corps à se détoxifier de façon plus efficace ? Pas grand-chose, selon la science. En réalité, pour qui souhaiterait optimiser sa détox, la pratique la plus bénéfique serait probablement d’adopter des pratiques d’hygiène de vie qui favorisent le bon fonctionnement de nos organes : bonne qualité de sommeil, exercice physique régulier, adoption d’un régime alimentaire équilibré…

Une maigre perspective face à la problématique croissante des polluants environnementaux. Peu de solutions satisfaisantes ont pour le moment été apportées, si ce n’est d’éviter de consommer des produits contaminés, et ce, alors que la plupart des sphères de notre quotidien semblent être affectées. Mais si certaines personnes se tournent vers les produits détox, en ligne ou en pharmacie, il s’agit pourtant d’une fausse solution pour le docteur Labos. Le médecin insiste sur la nécessité de contrer la pollution environnementale plutôt que de faire porter le fardeau de la détox aux individus – d’autant que ces pratiques individuelles sont mobilisées en vain, puisque les produits en vente n’ont pas de réelle efficacité. Le docteur Labos penche plutôt pour une prévention « à la source », qui viserait à réorienter les ressources mobilisées dans les cures détox vers des demandes collectives de réduction des dommages. Selon ce médecin, il est également primordial de favoriser l’accès à des soins médicaux de qualité, afin que les soignants puissent apporter des réponses fiables aux questions des patients, et d’améliorer l’éducation scientifique, pour aider les individus à comprendre pourquoi les promesses des produits de détox sont vaines. 

(Source : Mother Jones, 03.08.2024)

  • Auteur : Unadfi