La revue scientifique en ligne Undark publie un article de John Charpentier, titulaire d’un doctorat et chercheur en immunologie à l’Université du Michigan, sur Samuel Thomson (1769-1843) un herboriste et botaniste américain du XVIIIe siècle qui a mis au point un système de médecine alternative et remis en cause la médecine. Cette histoire trouve un écho étrange avec la situation actuelle et la propagation des fake news sanitaire et des PSNC.
Pour l’auteur les pseudosciences concernant la médecine ne sont pas nouvelles et prospèrent dans la culture américaine depuis la fondation du pays. Au début du XIXe siècle, Samuel Thomson qui se présentait comme un éleveur de porcs illettré (cette présentation est complètement erronée) a répandu auprès des américains l’idée que les remèdes « naturels » étaient supérieurs aux médicaments « chimiques » toxiques selon lui. Il a mis en place un système médicinal basé sur les plantes et diffusé ses théories dans un ouvrage intitulé New Guide to health. Des plantes y étaient référencées ainsi que leurs prétendues vertus. Lui et ses disciples témoignaient que des individus étaient guéris de la variole, de la rougeole, en utilisant ses techniques. Il jugeait que les élites médicales condescendantes le persécutaient parce que ses idées menaçaient leurs profits. Il s’appuyait sur des témoignages de guérison et des anecdotes personnelles. Bien que critiqué par la médecine, il bénéficiait d’une certaine popularité auprès de millions d’américains.
Selon John Charpentier, le succès de Samuel Thomson repose autant sur sa condamnation de l’establishment médical que sur sa conception populiste de la guérison : les américains qui étaient libres de choisir leurs gouverneurs ou prêtres devaient être libres de choisir leur propre médecine.
Les arguments et techniques utilisés au XIXe continuent aujourd’hui d’être utilisés par les propagateurs de complot sanitaire et pourvoyeurs de PSNC. Alors qu’aujourd’hui la médecine peut revendiquer de nombreux succès et des avancées primordiales, certaines personnes continuent d’avoir recours à des pratiques pseudoscientifiques.
En conclusion de son article, le chercheur tente de répondre à la question de savoir pourquoi tant d’Américains instruits rejettent la médecine pour des pratiques de soins non conventionnels. Il avance plusieurs arguments. En premier lieu, il estime que la médecine est victime de son succès : la hausse de l’espérance de vie, la faiblesse de la mortalité infantile, la chute de la malnutrition ou encore la peur de ne pas mourir d’une épidémie. Ces éléments pousseraient l’individu à se concentrer sur des problèmes plus récents comme les maladies chroniques et les troubles du développement pour lesquels la médecine n’a pas encore de traitements. Il évoque ensuite la dévaluation de l’expertise et de la connaissance, l’explosion de la désinformation et la baisse de la confiance dans les institutions. Enfin il juge que le système de santé américain joue aussi un rôle dans la recherche de soins alternatifs du fait de son inaccessibilité et de son coût onéreux.
Tout comme à l’époque de Samuel Thomson les gens trouvent en allant chez un charlatan de la santé un exutoire à leur colère politique. Ces praticiens offrent une illusion d’autonomie et de contrôle de sa santé.
(Source : Undark, 09.04.2020)