« Rétablir le lien et le dialogue social »

Dans sa rubrique « Fake et causes », le quotidien 20 minutes tente de comprendre le complotisme et ses enjeux pour la démocratie. Début mars, le journal a interviewé David Morin, politologue à l’université de Sherbrooke au Canada et co-auteur avec Marie-Eve Carignan de Mon frère est complotiste, comment rétablir le lien et le dialogue social sorti début mars 2023.

Pour les auteurs du livre, le terme « complotisme » peut s’avérer être un terme stigmatisant et une étiquette très vite accolée alors que des critiques légitimes peuvent être adressées aux gouvernements. Ils craignent aussi qu’une telle appellation renforce les idées des plus convaincus. Pourtant ils n’ont pas trouvé d’autres termes pour définir ce mouvement.

Leur étude s’est déroulée au moment de la pandémie. Les auteurs ont essayé d’effectuer une différenciation entre la critique de certaines mesures et les discours complotistes. Ils ont pu remarquer qu’au Canada il y a eu une forte appropriation des thèses complotistes par les mouvements d’extrême droite et antigouvernementaux qui en ont profité pour accélérer l’agenda politique. Ils ont aussi pu constater la prolifération et la mise en lumière de nombreux mouvements prônant des médecines alternatives dans domaine de la santé et du bien-être et se sont aperçus que ces deux entités ont fini par se lier et se regrouper.

Avec ce livre, ils ont souhaité simplifier un problème complexe afin de donner un outil de compréhension de la problématique complotiste à l’heure où de nombreuses personnes voient un de leurs proches basculer dans ces théories. Mais ils souhaitent aussi mettre en place un dialogue collectif dans une société qui, face à de nombreuses crises sanitaires, écologiques, économiques ou encore la guerre en Ukraine, se retrouve divisée et fracturée. Ils suggèrent que sur certains points les autorités auraient peut-être à effectuer un mea culpa. Cependant, ils regrettent une certaine forme de polarisation qui fait que les deux parties n’ont pas forcément envie de construire ce dialogue. Pour David Morin, les polarisations sociales enferment les individus dans leurs écosystèmes. Selon lui, la restauration du dialogue peut venir de toutes les actions individuelles car il craint que tout ce qui émane des différentes autorités ne fonctionnent pas car provenant de personnes critiquées par le complotisme.

Pour ce politologue, la diffusion du complotisme tient à plusieurs raisons. Il note tout d’abord un terreau fertile qui est celui du manque de confiance dans les institutions qu’elles soient politiques, médiatiques, scientifiques…Il a aussi pu constater une forme de détresse et de vulnérabilité d’une partie des personnes adhérant à ces théories. Cette vulnérabilité peut provenir de la période qui génère beaucoup d’anxiété et une perte de sens mais aussi des différentes trajectoires individuelles laissant un fort trauma comme une rupture sentimentale ou encore la perte d’un emploi qui marginalise et déclasse les personnes. Selon lui les réseaux sociaux ne sont pas « un facteur d’adhésion, mais ils sont un vecteur d’adhésion. David Morin craint aussi qu’une partie de la population en perte de sens politique adhére aux théories du complot comme « prisme de lecture dominant de l’actualité politique ». La lecture complotiste de l’actualité devient un logiciel de pensée politique. 

(Source : 20minutes, 12.03.2023)

  • Auteur : Unadfi