Pratiques non conventionnelles, théories conspirationnistes et extrême droite

L’universitaire allemande Nora Posl vient de publier son mémoire de maîtrise intitulé « De l’homéopathie et de l’imposition des mains à l’idéologie de la haine ? Sur la relation entre les méthodes alternatives de guérison et les théories du complot, l’ésotérisme et les idéologies de droite » aux éditions Diplomica Verlag.

Dans cette étude, qu’elle poursuivra par une thèse, elle démontre les liens entre la médecine dite alternative, les théories du complot et les idéologies d’extrême droite.

C’est le constat de la dérive progressive d’un ami vers les théories conspirationnistes qui l’a amenée à étudier de plus près ce sujet. Suite à une désillusion politique, il s’est d’abord plongé dans les pratiques alternatives (méditation, chamanisme). Deux ans plus tard, il a commencé à parler de chemtrails, à prendre et à distribuer à ses proches du MMS (Mineral Miracle Solution), un produit à base d’eau de javel censé être une panacée. La pensée complotiste a progressivement envahi sa vie jusqu’à ce que ce partisan de gauche en devienne un théoricien du complot antisémite et révisionniste, propageant les stéréotypes antisémites sur les Rothschild et le Nouvel Ordre mondial.

Elle s’est demandé si son ami était un cas isolé ou s’il existait un risque pour les gens utilisant des méthodes de guérison alternatives d’être plus perméables aux concepts ésotériques, aux théories du complot et aux idées d’extrême droite.

Basant son travail sur des recherches de terrain, mais également sur un corpus de publications provenant des réseaux sociaux, elle en est arrivée à percevoir quelques liens de causalité entre ces pratiques qui peuvent paraître éloignées au premier abord.

Elle a constaté que la croyance en des méthodes de guérison alternative peut être une porte d’entrée vers le scepticisme scientifique et une vision simpliste du monde en offrant des solutions prétendument simples à des problèmes complexes. Le déficit de confiance généré par de telles croyances peut conduire à un rejet de la médecine conventionnelle, rendre plus perméable aux fausses nouvelles et être un point de départ pour adhérer aux idéologies d’extrême droite et aux théories du complot. Le refus de la vaccination est un exemple concret de ce glissement : la crainte de la vaccination obligatoire, assimilée à une mesure anti démocratique, alimente une paranoïa envers les laboratoires pharmaceutiques et les élites politiques soupçonnées de vouloir massivement vacciner pour manipuler la population.

L’analyse des réseaux sociaux lui a permis de constater que les personnes enclines à croire aux méthodes de guérison alternatives finissent par se retrouver enfermées dans des bulles algorithmiques dont les recommandations les amènent vers des théories du complot. La chercheuse a ainsi constaté que ces personnes partagent plus facilement des sources populistes de droite, des théories du complot antisémite ou du contenu raciste.

Les médecines alternatives tout comme le complotistme et les théories d’extrême droite ont en commun une vision binaire du monde où le bien se démarque clairement du mal et où chacun tente d’offrir des solutions simples à des problèmes complexes. Les manifestations contre le port du masque en Allemagne où se mélangent « opposants à la vaccination », « croyants au complot », « hippies ésotériques », « partisans de prétendues méthodes de guérison alternatives », et membres de l’extrême droite « démontrent de manière impressionnante et terrifiante la force des liens entre les prétendues méthodes de guérison alternatives, l’ésotérisme, les théories du complot et les idéologies de droite ».

(Source : der Volksverpetzer, 25.05.2020)

  • Auteur : Unadfi