Parler à un proche complotiste

Ce témoignage est celui d’une femme américaine qui ne sait plus comment aborder son frère devenu l’archétype du complotiste moderne : antivax notoire, imprégné de diverses théories conspirationnistes plus loufoques les unes que les autres, et dont le nombre de followers sur les réseaux atteint maintenant 12 500.

Elle nous livre ses tiraillements sur l’attitude à adopter face à lui. Une partie d’elle-même s’inquiète et veut sauver son frère, une autre a envie de rire tant les fake news ou théories relayées sont grotesques. Une autre encore s’apprête à lui claquer la porte au nez tant les conséquences de tels discours paraissent graves et intolérables. Elle craint que des réponses froides et rationnelles face aux vidéos que lui envoie son frère n’aient aucun impact, voire même qu’il se radicalise encore davantage. Elle compare la fracture progressive qui divise sa famille à celle que la société américaine connaît actuellement. 

Selon elle, et comme l’a théorisé le professeur agrégé de psychiatrie Frank Yeomans, il existe des personnalités « narcissiques malignes » qui répandent des théories du complot dans les « esprits captifs » de leurs partisans et prennent plaisir à s’autoglorifier tout en détruisant les autres. Des profils comme Hitler font appel à une masse de gens dont le sentiment d’impuissance est fort. Ces dirigeants catalysent puis militarisent des espoirs, des croyances. Puis ils s’en prennent à la personne ou au groupe désigné comme responsable de tous les maux de la société. F. Yeomans pense que Donald Trump réunit les caractéristiques de ce type de personnalité.

Ce genre de personne s’appuie dans un second temps sur des intermédiaires qui propagent les théories du complot (entreprises, politiciens, célébrités), prêts à justifier toutes les actions du narcissique malin pour conserver leur pouvoir.

Enfin, une troisième catégorie de complotistes se dessine, des gens comme le frère de l’auteure, qui essaient de donner un sens au monde et à leur vie. Les informations conspirationnistes les y aident. La théorie de la dissonance cognitive (attribuée au psychologue Leon Festinger) permet également de comprendre comment l’esprit humain est capable d’extraordinaires efforts pour rechercher une cohérence psychologique interne face à des idées opposées.

La journaliste conclut son article sur la nécessité de maintenir un lien avec ces personnes et de conjuguer sagesse et compassion dans le rapport entretenu.   (Source : Huffington Post, 21.01.2022)

  • Auteur : Unadfi