« Les complotistes peuvent changer d’avis »

Matt Williams (Maître de conférences en psychologie), John Kerr (Chercheur principal, Université d’Otago) et Mathew Marques (Maître de conférences en psychologie sociale, Université La Trobe ) viennent de publier le fruit de nouvelles recherches sur les théories du complot.

7 % des Néo-Zélandais et des Australiens étaient d’accord avec la théorie selon laquelle les traînées visibles derrière les avions sont des agents chimiques pulvérisés dans le cadre d’un programme gouvernemental secret. Et ce, malgré le rejet généralisé de cette théorie par la communauté scientifique. Le fait que les théories du complot attirent des adeptes malgré l’absence de preuves crédibles reste un casse-tête pour les chercheurs.

A quelle fréquence les gens changent–ils d’avis ? Restent-ils obstinément attachés à leurs croyances, quelles que soient les preuves qu’ils rencontrent ? Pour tenter de répondre à ces questions, trois scientifiques ont mené une enquête longitudinale. Ils ont recruté 498 Australiens et Néo-Zélandais (en utilisant le site Prolific, qui recrute des personnes pour participer à des recherches rémunérées). Chaque mois, de mars à septembre 2021, ils ont présenté à aux participants de ce panel dix théories du complot et leur ont demandé dans quelle mesure ils étaient d’accord avec chacune d’entre elles. Il s’agissait d’affirmations concernant des événements soit en cours, soit survenus depuis le début du millénaire (les attentats du 11 septembre, le déploiement de la technologie de télécommunications 5G et le COVID-19, entre autres). La plupart des participants étaient en désaccord avec chacune des théories. La théorie la plus populaire était celle selon laquelle « les sociétés pharmaceutiques, « Big Pharma », ont supprimé un remède contre le cancer pour protéger leurs profits ». 18 % du groupe témoin étaient d’accord lorsqu’on leur a posé la question pour la première fois. La moins populaire était la théorie selon laquelle « les vaccins contre le Covid-19 contiennent des micro-puces pour surveiller et contrôler les gens ». Seuls 2 % étaient d’accord.

Le terrier du lapin

Malgré les préoccupations contemporaines concernant une « pandémie de désinformation », les chercheurs n’ont trouvé aucune preuve que les croyances individuelles dans les théories du complot aient augmenté au fil du temps. Cela malgré une collecte de données qui s’est déroulée pendant la tumultueuse deuxième année de la pandémie de COVID-19. Des confinements avaient encore lieu occasionnellement en Australie et en Nouvelle-Zélande, et le sentiment anti-gouvernemental montait.

Ils ont constaté que les croyances (ou les non-croyances) dans les théories du complot étaient stables, mais pas complètement figées.

Pour chaque théorie donnée, la grande majorité des participants étaient des « sceptiques constants » ( à aucun moment d’accord avec la théorie). Le deuxième groupe en importance était celui des « croyants constants » (d’accord à chaque étape de l’enquête à laquelle ils ont répondu). Et il y avait une petite proportion de convertis (en désaccord au début de l’étude, mais d’accord à la fin) et une petite proportion d’apostats (d’accord au début, en désaccord à la fin).

Les pourcentages de convertis et d’apostats avaient tendance à se compenser assez étroitement, laissant le pourcentage de croyants relativement stable au fil du temps. Cette stabilité relative est intéressante car « elle remet en question la notion populaire du «terrier du lapin», selon laquelle les gens développent rapidement des croyances dans une succession de théories du complot, un peu comme Alice tombe au Pays des Merveilles dans la célèbre histoire de Lewis Carroll » expliquent les chercheurs. « Bien qu’il soit possible que cela se produise pour un petit nombre de personnes, nos résultats suggèrent que ce n’est pas une expérience typique. Pour la plupart, le chemin vers la croyance dans les théories du complot pourrait impliquer une pente plus graduelle, un peu comme un vrai terrier de lapin, d’où l’on peut aussi émerger » concluent-ils. 

(Source : The Conversation, 18.02.2024)

  • Auteur : Unadfi