Aujourd’hui, dans la vie des entreprises, les cours de croissance personnelle occupent une place primordiale. C’est grâce aux travaux de MASLOW qui a montré que le succès des dirigeants dépendait en grande partie de leur capacité de « self-réalisation », que la motivation du personnel est devenue une des grandes préoccupations des entreprises. Seulement, face à ce phénomène, les entreprises peuvent, malgré elles, s’exposer ainsi que ses collaborateurs à des risques importants en s’adressant à des organismes de développement personnel.
Apparemment sans reproche, mais en fait de véritables émanations de sectes, certains groupes se sont emparés de ce marché très important afin de s’infiltrer dans les entreprises. Outre les risques d’entrée en dépendance courus par les personnes, la constitution d’un réseau interne d’adeptes peut s’avérer déstabilisante pour l’entreprise. Aussi, une perte de la confidentialité de certaines informations peut être très grave dans certains secteurs et la révélation de la pénétration d’une entreprise par une secte peut entraîner un sérieux discrédit. Ainsi, il s’agit pour nous d’inviter les entreprises à se poser un certain nombre de questions vis-à-vis des cours et des stages de développement personnel dans le but d’une prévention d’une éventuelle infiltration de type sectaire.
Les cours de croissance personnelle
Le monde de l’entreprise a été aussi sensibilisé que le reste de la société à l’apparition d’une demande de mieux-être et de développement du potentiel. C’est pourquoi les directions des relations humaines des grandes sociétés consacrent beaucoup de leurs préoccupations à la motivation du personnel. Des stages, cours, conférences, séances, séminaires, sessions, séjours, ateliers de développement personnel sont proposés aux salariés dans le cadre de la formation permanente. Ainsi, l’analyse transactionnelle et la programmation neurolinguistique ont franchi les portes de l’entreprise afin de valoriser l’autonomie et la responsabilité de l’individu tout en mettant l’accent sur la communication, les émotions et le vécu actuel du sujet.
A qui s’adresse ces formations ?
Il ne s’agit pas de suivre un cours pour régler des problèmes psychologiques ou pour apaiser une certaine souffrance psychique.
Les cours de développement personnel s’adressent à des personnes bien portantes qui désirent travailler sur eux-mêmes avec l’objectif d’accroître leurs propres capacités et accéder à une certaine autonomie. En fait, les techniques utilisées dans ces cours visent à « libérer et épanouir le potentiel humain réprimé » et, surtout, dans le cadre de l’entreprise, améliorer les relations des salariés entre eux et avec leurs hiérarchies ou leurs clients, et améliorer, par conséquent, l’efficacité de tous.
Quel est le travail effectué lors d’un cours de croissance personnel ?
Il s’agit d’analyser les relations vécues au sein du groupe. D’une manière générale, tout en adoptant une attitude d’écoute, sans délivrer un » message « , l’animateur propose une série d’exercices ou jeux, selon la méthode privilégiée, afin de produire de multiples interactions entre les participants. Ces derniers vivent une situation donnée et s’y impliquent. Puis, dans un second temps, le groupe conduit l’analyse de ce qui s’est passé lors des interactions. Pour les participants, il s’agit de dire ce que l’on pense, ressent, parler de soi et des autres, dire ses difficultés à communiquer…. Grâce à la verbalisation et à l’expression des sentiments, une certaine prise de conscience va émerger. Et, c’est cette prise de conscience qui est facteur de changement.
Quelles sont les diverses techniques employées ?
Les techniques se réclamant du développement personnel sont aussi nombreuses qu’hétérogènes. Selon la démarche, plusieurs psychotechniques peuvent être distinguées. Ainsi, Christophe VANDERMOTTE, formateur, propose de les classer en quatre catégories:
-# les techniques à dominantes « Psy »: le travail se situe au niveau d’une action qui associe les facteurs corporel et émotionnel. Parmi elles, on retrouve les techniques psycho-corporelles qui privilégient différentes techniques de relaxation et les techniques visant à une conscience plus sensible du corps tels que la sophrologie et le rebirth ainsi que les approches visant à une reconstruction en profondeur de la personne (bioénergie, gestalt, dynamique de groupe).
-# les techniques à dominante sportive axées sur le dépassement de soi et la cohésion d’équipe grâce à des stages où se mêlent sport et défi moral.
-#les techniques de communication sont celles qui sont le plus répandues dans le monde des entreprises et de la formation. Ces techniques s’appuient sur une lecture rationnelle des évènements psychiques ou comportementaux. Appartiennent à cette catégorie, l’analyse transactionnelle, la PNL, les thérapies comportementales.
-#les techniques issues de divers courants religieux ou mystiques tels que le yoga, le zen, le chamanisme (entrer en communication avec les éléments et les forces de la nature), les pratiques à dominantes irrationnelles (tarot, numérologie) ou divinatoire (astrologie), la méditation, le travail sur les chakras…
Quels résultats concrets peut-on attendre d’un cours ?
Les résultats seraient à la fois modestes et encourageants : se développeraient une meilleure écoute des autres, une plus grande attention, aussi, les répétitions, les peurs, les causes d’agressivité ou d’inhibition seraient mieux repérées, l’on s’interrogerait davantage et reconnaîtrait ses capacités.
Selon l’Acef-centre, les résultats positifs des cours ne paraissent pas être acquis une fois pour toutes. De façon réaliste, la personne qui en bénéficie ne doit pas s’attendre à ce qu’ils soient permanents. En fait, ils se dissoudraient peu à peu au cours des mois qui suivent le cours.
Aussi, selon LACROIX-VILLETELLE, membre titulaire de la Société Française de Coaching, « réellement efficaces, ces formations ou accompagnements ont souvent un véritable effet de développement du savoir faire et du savoir être professionnel. Cependant, si certaines sont conduites dans une intention conforme à la déontologie de la profession, d’autres le sont dans une manifeste volonté de manipulation à des fins sectaires ».
L’ infiltration sectaire
Pourquoi et comment infiltrer une entreprise ?
L’entreprise est une cible privilégiée des mouvements sectaires. Elle possède en effet tous les ingrédients, de l’argent, du pouvoir et des hommes pour être courtisée. Et, c’est par le biais d’organismes de formation, de conseil et de recrutement que les sectes démarchent les entreprises d’autant plus que les sommes en cause sont considérables (environ 40 milliards). Grâce aux entreprises, les sectes peuvent détenir un pouvoir économique, exercer un contrôle sur le fonctionnement d’organismes, influencer conquérir des esprits subtils et brillants qui leur permettront d’acquérir la reconnaissance et le brevet d’honorabilité qu’elles convoitent.
Pour infiltrer les entreprises, plusieurs possibilités existent grâce aux organismes de formation. En effet, un organisme peut avoir des liens avec une secte soit par la personne de ses dirigeants, soit par les méthodes de formation qu’il utilise. Une fois dans le système il est alors possible de recruter et/ou de reverser une partie de l’argent de la formation à la secte. Les sectes peuvent aussi compter sur l’aide d’adeptes déjà salariés de l’entreprise qui deviennent alors des relais surtout s’ils occupent des postes à responsabilité. Car, lorsque des cadres recommandent tel ou tel organisme à leur entreprise personne n’ose imaginer un lien entre l’organisme et une secte. Ainsi, pour la secte c’est l’ occasion d’un accès aux dirigeants et/ou à des fichiers et, par là, de prendre le contrôle de l’entreprise.
Pourquoi les organismes de formation sont si intéressants ?
Ce champ constitue un contexte particulièrement favorable. Très diversifié, en constante évolution, le secteur de la formation est peu réglementé et mal surveillé.
Il est très simple de créer un organisme de formation – il suffit de se déclarer à la préfecture de la région et d’envoyer chaque année un bilan pédagogique et financier. Ainsi, l’on obtient un numéro d’immatriculation sans que cela implique un quelconque contrôle de l’administration.
Actuellement, n’importe qui peut être formateur, directeur de centre de croissance personnelle, consultant ou psychothérapeute car aucun diplôme n’existe en ce domaine. Ainsi, les gens malhonnêtes ou incompétents ne courent presque aucun risque en proposant des formations, ils sont à l’abri de tout contrôle.
De même, les offres de formation sont très difficiles à évaluer. La plupart des grandes organisations sectaires utilisent des noms d’emprunt, ainsi il est difficile de faire des liens. Et le contenu explicite du cours proposé peut tout à fait être anodin. La vitrine extérieure de la formation proposée peut être parfaitement conforme aux pratiques professionnelles traditionnelles.
Quelle danqerosité pour l’entreprise ?
Selon nous, plusieurs aspects peuvent ressortir. Ainsi, l’on dégage un aspect financier car l’entreprise perd de l’argent sur une tromperie ; un aspect humain car si certains salariés sont « débauchés » par le groupe sectaire, il y a perte certaine du potentiel humain pour l’entreprise ; un aspect infiltration car les exemples dans lesquels la secte prend le pouvoir ne sont pas légion mais le risque existe ; un aspect image de marque vis-à-vis du grand public car si une entreprise se lie avec une secte elle sera boycottée, perdra son marché et l’on retrouve l’aspect financier.
Comment sélectionner les organismes proposant du développement personnel ?
Toute personne qui le désire peut créer son organisation de croissance personnel et s’improviser animateur-consultant voir même psychothérapeute. La seule garantie qu’une personne intéressée peut se donner pour s’assurer du sérieux d’une telle organisation, ce sont les questions qu’elle lui pose. Mais, comment les formuler et évaluer le bien fondé des réponses fournies ?
-#Demander la fourniture d’un programme détaillé explicitant les méthodes utilisées, les finalités attendues, le coût prévisible et la durée du stage. Le flou sur le contenu et les méthodes employées, les références invérifiables et les cours présentés comme remède miracle trahissent un certain manque de sérieux. En effet, les organisations sérieuses ne font pas des promesses faramineuses mais énoncent des buts réalistes, précis et limités. De même, l’utilisation d’une dénomination non protégée (université, faculté, institut) et la remise de titres (certificats, diplômes, maîtrise… ) sont censées crédibiliser le stage mais, au contraire, ces critères, associés à d’autres éléments, éveillent notre attention.
-#S’assurer de la compétence et des références des dirigeants et formateurs. Nous savons tous qu’un diplôme n’assure pas en soi la compétence. Seulement, il indique au moins que le professionnel « connaît » le domaine dans lequel il exerce. Dans le secteur du développement personnel, le danger de rencontrer des incompétents et/ou des charlatans est immense car n’importe qui peut exercer la fonction de formateur. De même, être psychothérapeute n’est pas une garantie en soi puisqu’il s’agit d’une fonction: il n’y a pas de diplôme exigé pour exercer en tant que tel. Or, il nous semble que le travail effectué en croissance personnelle est très spécialisé et requiert une expérience, une compétence, une formation de base reconnue dans le domaine de la psychologie. De même, les praticiens qui collectionnent les titres, les fonctions, les spécialisations nous interrogent. Exemple : Mr X, psychothérapeute et psychanalyste, formateur, responsable pédagogique du centre T, formé au Rebirth, Master PNL, certifié en hypnose Ericksonnienne;
Aussi, il semble important de demander si le formateur est doté d’un lieu de supervision de ses propres pratiques. Ceci devrait être un critère de choix garantissant la capacité du consultant à se remettre en question. Le praticien responsable est celui qui reconnaît ses propres limites et celles de sa formation.
Enfin, il est important d’être attentif aux relations formateur-participants. En effet, le formateur ne doit pas empiéter sur les domaines de la vie privée du participant. Respectueux d’une certaine éthique, le formateur doit accepter tout esprit critique sans jamais juger, humilier ni culpabiliser.
-#Se renseigner auprès de partenaires
Les remarques et les rapports des stagiaires nous semblent fondamentaux pour évaluer une formation. Dans les témoignages, certaines caractéristiques nous alerteront d’un éventuel danger : la demande pressante faite au stagiaire de dévoiler sa vie privée, ses sentiments profonds, ses difficultés personnelles ; les séances consacrées à des sortes de confessions publiques ; l’apprentissage d’un langage nouveau, d’un jargon où les mots sont détournés de leur sens courant ; les tests de personnalité et les questionnaires sur la vie privé ; les horaires lourds; les stages en isolement le week-end; des pratiques pédagogiques imposées autoritairement.
La Chambre Syndicale des professionnels de la formation a rédigé une charte et interviendrait dans tous les cas suspects. Actuellement, elle met en place une démarche de reconnaissance du titre de formateur-consultant auprès du Ministère de l’Intérieur. Au même titre, la Société Française de Coaching a mis en oeuvre un processus de titularisation extrêmement rigoureux dans lequel la question de la déontologie occupe une place centrale. Aussi, il est possible de demander conseil aux chambres syndicales professionnelles.
Enfin, certaines filiales de groupes sectaires sont bien connues des associations de défense qui pourront être contactées (ADFI, Centre Roger IKOR).
Enfin, les délégations régionales de PROMOFAF, Fonds d’assurance formation du secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif, sont à la disposition des adhérents pour étudier avec eux toute proposition de formation pouvant susciter une interrogation légitime. Pour se prémunir contre les risques possibles on ne peut disposer que d’indices ayant une valeur relative et dont seulement la conjonction sera significative. Mais, attention, il ne faudrait pas accuser à tort un organisme et/ou des professionnels.
Annexes
Bibliographie:
-*ACEF-Centre, « Pour être bien dans sa peau sans y laisser sa peau », Guide sur les cours de croissance personnelle, Guy Saint-Jean Éditeur, Canada, 1993.
-*Bulletin de Liaison pour L’Etudes des Sectes, « L’entreprise face aux sectes », BULLES n° 57, 1er trimestre 1998.
-*JAEGER Jeanne, « Relations humaines : le travail en chantant » in Thérapies de l’âme, Séries Mutations n°43, Éditions Autrement, 1982.
-*LACROIX Michel, « Le développement personnel », Dominos Flammarion, 2000.
-*LACROIX-VILLETELLE Marie-José, « Sectes et formation » in Regards sur, n° 3, 1998.
-*LARDEUR Thomas, « Les sectes dans l’entreprise, l’enquête », Ed. D’Organisation, 1999.
-*LARIVEY Michèle, « Les critères de formation des intervenants en croissance personnelle », extrait du colloque sur le phénomène de la croissance personnelle, Montréal, 1989.
-*MAGERAND Françoise, « Séduction du pouvoir, pouvoir de la séduction », in Thérapies de l’âme, Séries Mutations n°43, Éditions Autrement, 1982.
-*MARC Edmond, « Le guide pratique des nouvelles thérapies », Éditions Retz, 1995.
-*SINELNIKOFF Nathalie, « Les psychothérapies », Le monde de…. M.A Éditions, 1987.
-*VANDERMOTTE Christophe, « Une expérience d’accompagnement des dirigeants », in Éducation Permanente n° l4, 1993.
Articles :
-*Sectes et Argent, Le journal des psychologues, n° 74, février 2000.
-*Sectes patronales, Xavier Pasquini, Charlie Hebdo, 19.05.1999.
-*Les sectes et l’argent, Rapport parlementaire, Assemblée Générale, 1999.
-*Les sectes à l’assaut clés entreprises, L’évènement, 28.01.1999.
-*Les frites de Mc Do infiltrées par une secte, Olivier Cyran, Charlie Hebdo, 29.07.1998.
-*Entreprises, ce que ne vous disent pas certains organismes cle formation, Entreprise et Carrières n° 339/340, Avril 1996.
-*Formations et manipulation, libre arbitre et dépendance mentale, UNADFI, 1996.
-*Les critères de formation des intervenants en croissance personnelle, Michèle Larivey, 1989.