Le lobby créationniste

L’annonce de la découverte d’une australopithèque a déclenché un déchaînement de violence illustrant la vitalité du mouvement créationniste aux états-Unis. Fort de sa puissante influence sur le monde politique et financier, il entend peser sur l’enseignement.

Fondamentalistes chrétiens pour la plupart, les créationnistes bataillent au sein des écoles contre l’évolution. Selon un sondage réalisé en 2014, 42% des Américains pensent que le monde et les êtres humains ont été créés par Dieu.
 

Pourtant, en 1987, la Cour suprême avait interdit l’enseignement du créationnisme dans les écoles publiques. En réponse, les créationnistes ont développé dans les années quatre-vingt-dix le dessein intelligent (intelligent design) affirmant que « l’évolution et la sélection des espèces sont trop complexes pour être naturelles ». Ils postulent qu’elle serait l’oeuvre d’une intelligence supérieure, sous-entendant Dieu sans jamais le mentionner.
 

Le Discovery Institute prétend apporter une caution scientifique au dessein intelligent. Il est principalement financé par un couple de milliardaires et fondamentalistes évangéliques, dirigeant de la Howard Ahmanson. Outre les thèses créationnistes, il finance le mouvement anti-avortement ou la lutte contre la légalisation du mariage homosexuel.
 

En 2005, plusieurs parents d’élèves ont dénoncé l’enseignement du dessein intelligent. Ils ont saisi la justice qui leur a donnés raison.
 

Devant ce nouvel échec, les créationnistes ont changé de stratégie : ils mettent désormais l’accent sur la liberté d’enseigner, de critiquer. En Louisiane
et dans le Tennessee, des professeurs d’écoles publiques ont ainsi obtenu la possibilité d’enseigner les « alternatives » à la théorie de l’évolution arguant
qu’ils permettent « d’aider les étudiants à développer une pensée critique ». En Arizona, le Sénat a nommé une créationniste, Sylvia Allen, au poste
de présidente du comité en charge de l’éducation qui a proposé une loi obligeant les Américains à assister à la messe dominicale.
 

Entamée il y a plus d’un siècle, la bataille entre évolution et créationnisme a durablement marqué le corps enseignant. Selon une enquête publiée en
2011 par le magazine Science, 60% des professeurs de biologie n’enseignent pas la théorie de l’évolution soit parce qu’ils ne l’acceptent pas, soit, et c’est souvent le cas, par peur de susciter la controverse. Les auteurs de l’étude pensent que cette « autocensure » contribue « à entraver l’acquisition des connaissances scientifiques ».
 

Plusieurs candidats républicains aux primaires pour la présidentielle 2016 portent la voix des créationnistes : Ben Carson, Mike Huckabee ou plus évasivement Ted Cruz, Marco Rubio et Jeb Bush.

(Source : Libération, Frédéric Autran, 25.12.2015)