Alors que la Corée du Sud s’apprête à élire son prochain président, les esprits ne sont pas les seuls à s’agiter. Dans l’ombre des urnes, les chamanes livrent prophéties et avertissements.
En Corée du Sud, le chamanisme demeure profondément ancré. Les « mudang » exercent une influence discrète mais réelle. Près de 300 000 praticiens sont recensés, certains allant jusqu’à utiliser YouTube pour diffuser leurs rituels et prédictions. Les Sud-Coréens, qu’ils soient anonymes ou puissants, consultent très régulièrement ceux qu’ils considèrent être des médiateurs entre les esprits et le quotidien pour prendre des décisions importantes.
Alors, à l’approche d’une élection présidentielle au résultat encore incertain, ces figures traditionnelles n’hésitent pas à s’inviter sur la scène politique. À Incheon par exemple, la chamane Yang Su-bong assure avoir « vu » l’ascension de Lee Jae-myung, candidat du Parti démocrate, et être « convaincue de sa victoire ».
Mais cette influence suscite aussi la controverse, plusieurs scandales politiques ayant éclaté. En 2017, la présidente Park Geun-hye avait été destituée, soupçonnée d’avoir laissé une proche, conseillère chamanique, dicter certaines décisions d’État. Son successeur, Yoon Suk Yeol, aurait lui aussi été conseillé par des figures occultes et pris des mesures douteuses.
Pour le sociologue Lee Won-jae, invoquer des thèmes chamaniques dans le débat électoral est un levier puissant, car « rien n’est plus efficace pour dramatiser la politique ». Mais cela engendre aussi « une réaction émotionnelle intense dans la société sud-coréenne, en partie parce que l’histoire du pays est marquée par des dirigeants égarés par des conseillers spirituels sans scrupule ». En Corée du Sud, la frontière entre vie politique et vie spirituelle reste poreuse. Et malgré les critiques, « les élites continueront à chercher des réponses auprès des chamanes » affirme la sociologue. « Parfois, une petite impulsion change tout ».
(Source, Géo, 03.06.2025)
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