
Le nouveau rapport de la Miviludes pointe une percée des églises évangéliques « problématiques ». Parmi elles : la sud-coréenne Shincheonji, qui fait l’objet de cinquante signalements.
La Miviludes tire la sonnette d’alarme. Depuis 2022, plus de 1550 signalements ont été recensés en France contre des églises évangéliques. Parmi les mouvements dans le viseur : Shincheonji, une église sud-coréenne accusée de dérives graves. Elle cumule à elle seule 50 signalements en trois ans.
Sabrina, 26 ans, est l’une des rares à briser le silence. L’informaticienne a été recrutée en 2019 par deux jeunes filles dans une gare parisienne. Elles l’ont alpaguée en lui proposant un quiz sur la foi qui, en apparence, « avait tout d’anodin », souligne-t-elle. S’ensuivent des échanges de SMS et une invitation à une conférence. Le piège se referme. Sabrina s’est laissé séduire et elle a plongé pendant six ans dans l’univers clos de Shincheonji, également appelé « Nouveau ciel nouvelle terre ». Derrière des cours bibliques, elle a découvert peu à peu un système d’emprise fondé sur l’isolement, l’endoctrinement, et parfois la violence.
« En cas de retard, on avait le choix : payer un euro par minute ou subir un châtiment corporel » se souvient-elle. Elle évoque aussi des privations de sommeil, des pressions financières dont des demandes allant jusqu’à 800 € pour financer des temples, et des entraînements spirituels extrêmes. « Durant trois mois, on a dormi à trente dans une salle à même le sol, on avait des séances de sport à 5 h 30, puis on devait étudier la bible jusqu’à minuit… Je croyais étudier à l’académie ECA. Mais c’était une couverture. Ils utilisent des faux noms pour éviter qu’on ne découvre que c’est une secte. On nous traitait comme des animaux ».
« Après une première rencontre, ils ne vous lâchent plus »
À Goussainville (Val-d’Oise), au siège français du mouvement, Sabrina a été rebaptisée Yeonseo. Elle a été qualifiée « d’élue ». Elle a alors avalé les cours et est devenue enseignante. Puis les choses se sont compliquées. On lui a demandé de quitter son amoureux, puis son travail, puis de ne plus parler hors de l’Église… Elle a fini par se rebeller et partir. Elle a alors été déclarée « suicidée spirituellement » par Shincheonji.
Marie Drilhon, vice-présidente de l’Unadfi, est frappée par leur extrême organisation : « Après une première rencontre, ils ne vous lâchent plus ».
Pour Sabrina, le traumatisme est aujourd’hui encore bien réel. « J’ai toléré les abus car j’étais persuadée d’être au bon endroit » regrette la jeune femme qui, soutenue par son nouveau compagnon, tente de se reconstruire. Mais elle est un peu perdue. Sa petite sœur est toujours là-bas.
Shincheonji, fondée en 1984 par Lee Man-hee, un « messie » autoproclamé qui a aujourd’hui 93 ans, revendique 400 000 adeptes dans le monde, dont 1 200 en France. Face aux accusations, le mouvement dément toute violence et affirme que « la foi et les dons sont libres ».
(Source : Le Parisien, 07.04.2025)
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