Analyse du succès des livres de bien-être

Dans son mensuel de novembre, le magazine 60 millions de consommateurs traite du succès des ouvrages consacrés au développement personnel et au bien-être. Le journaliste, à la lumière d’interventions de spécialistes, tente d’expliquer ce phénomène et rappelle les risques pour la santé, mais aussi financiers inhérents à ce type de littérature.

Depuis quelques années, ces ouvrages ont pris une place importante dans les librairies, parfois au côté d’ouvrages écrits par des professionnels de la psychologie. Selon une étude réalisée par l’analyste Gfk, en partenariat avec le magazine Livres Hebdo, entre mai 2021 et avril 2022 six millions d’ouvrages de bien-être auraient été vendus. Ces ventes portent le chiffre d’affaires total des rayons de développement personnel à 71 millions d’euros, soit une augmentation de 17.5% par rapport à la même période de l’année dernière. Ces livres sont bien souvent présentés en tête des gondoles chez différents libraires ou grandes enseignes.

Ils promettent pour la plupart une amélioration du quotidien, un accès au bonheur, par l’application de méthodes faciles. L’idée globale est d’apporter des réponses simples à des problèmes complexes. Ces dernières années la pandémie a amplement modifié les repères des individus qui ont pu alors être attirés par la simplicité de ces ouvrages pour résoudre certains problèmes induits par la situation incertaine.

Ces ouvrages présentent un danger car ils peuvent parfois être utilisés par des gourous qui souhaitent « recruter de nouveaux adeptes, enseigner, endoctriner et préparer à leur programme » comme l’explique Delphine Guérard, psychologue clinicienne. Ils peuvent être une porte d’entrée vers des pratiques sectaires, le lecteur pouvant souhaiter aller plus loin et se renseigner sur d’autres pratiques que proposent l’auteur. Parmi ceux-ci, certains prétendent avoir vécu une expérience fondatrice qui serait à l’origine de leurs théories et de leurs savoirs et un gage de crédibilité. L’expérience personnelle prend alors le dessus sur les faits scientifiques.

De nombreux auteur·e·s qui monopolisent les rayons sont connus des associations de lutte contre les dérives sectaires. Parmi ceux figurant dans le top des ventes on retrouve l’auteure québécoise Lise Bourbeau qui connait un grand succès avec ses ouvrages, notamment Les cinq blessures qui empêchent d’être soi-même. Dans certains de ses livres, elle avance que certaines maladies peuvent être soignées par des pratiques alternatives. Créatrice d’un centre de développement personnel nommé Ecoute ton corps, Lise Bourbeau stipule qu’il existe des liens entre traumatismes vécus et apparence physique. La Miviludes qui a traité douze saisines sur la québécoise l’année dernière rappelle que « cette méthode est non éprouvée et ne bénéficie d’aucune reconnaissance en France ». Pourtant, il semble que ces stages attirent de nombreuses personnes malgré des tarifs relativement élevés. D’autres stars des rayons de librairie proposent aussi des stages ou des rencontres onéreux. C’est le cas notamment d’Eckhart Tolle et de Don Miguel Ruiz avec respectivement Le pouvoir du moment présent : guide d’éveil spirituel  et Les quatre accords toltèques.

Sur le plan légal, la Miviludes rappelle que « par respect des droits fondamentaux de liberté d’expression et de conscience, la publication d’ouvrages est libre, sauf en cas d’infraction pénale ou de trouble à l’ordre public ». La censure vise le plus souvent les propos diffamants ou haineux tel le racisme ou l’antisémitisme. Les ouvrages incitant à se détourner de la médecine pour guérir se retrouvent alors dans un vide juridique. Ils ne sont pas pénalement condamnables. Il est alors du ressort du lecteur de faire preuve d’un esprit critique vis-à-vis de ces nombreux ouvrages sur la santé et le développement personnel.

L’article de 60 millions de consommateurs prodigue quelques conseils pour se prémunir face à ces ouvrages. Le journal conseille notamment d’effectuer des recherches sur les auteurs, notamment sur le site de l’Unadfi ou encore sur le site de Psiram. Delphine Guérard rappelle qu’il faut se méfier quand un auteur invite à rompre avec ses habitudes ou son entourage, c’est une manière d’amorcer le processus d’emprise mentale. Il faut aussi être vigilant face aux auteurs qui prétendent détenir une solution miracle relative au bien-être ou à des questions de santé. Pascale Duval, porte de parole l’Unadfi, rappelle qu’en offrant ce type d’ouvrages les distributeurs participent à alimenter la confusion entre science et non science. Selon elle, les auteurs partent en effet parfois de faits scientifiques pour crédibiliser leurs théories farfelues. Les auteurs revendiquent une forme d’irrationnalité qui peut être une première marche vers l’emprise mentale.  

(Source : 60 millions de consommateurs, novembre 2022)

  • Auteur : Unadfi