La destinée macabre des enfants de la Science Chrétienne

La doctrine de la Science Chrétienne qui fustige la médecine a conduit le père de Caroline Fraser à une mort atroce. Marquée par cet épisode dramatique de sa vie, cette américaine, n’a cessé depuis de tenter de comprendre comment des adeptes peuvent se sacrifier et sacrifier les leurs au nom de cette doctrine. Pour cette victime malgré elle d’un système qu’elle exècre, les adeptes de la Science Chrétienne ne se suicident pas de façon spectaculaire comme ceux de la secte apocalyptique de Jim Jones mais de manière plus lente et plus ignoble.

Les adeptes de la Science Chrétienne meurent alors qu’ils pourraient survivre, souffrent alors qu’ils pourraient être soulagés. Ce fut le cas du père de Caroline Fraser. Atteint d’une gangrène, il s’est fabriqué des chaussures pour éviter de souffrir, plutôt que de se soigner. Il en avait pourtant les moyens financiers et intellectuels. Son seul problème aura été la Science Chrétienne. Ses enfants étaient tiraillés entre le désir de respecter ses croyances et celui de lui sauver la vie. Il embaucha une infirmière de la Science chrétienne qui lui assurait avoir vu des gangrènes bien pires que la sienne guérir complètement et lui demandait de considérer son état comme un problème mental uniquement. Pourtant la douleur était bien réelle, il pleurait fréquemment.

La Science Chrétienne a acquis sa popularité au cours du XXe siècle en promettant la guérison. Cette promesse de guérison est si convaincante que les adeptes qui ne l’obtiennent pas pour eux-mêmes ou l’un de leur proche se blâment plutôt que remettre en cause les croyances de la Science Chrétienne. Mary Baker Eddy, fondatrice et dirigeante de l’église, a enseigné que la maladie était irréelle, car le corps humain et le monde matériel ne sont qu’une illusion, un rêve éveillé.

Dans les années 1970, à l’heure de son apogée, la Science Chrétienne a réussi à obtenir une reconnaissance des gouvernements canadiens et américains, sous forme notamment d’exemptions religieuses dans 47 états des Etats-Unis. Certains « praticiens » scientistes, sans aucune formation médicale, ont été officiellement autorisés à fournir des soins de santé alors même que leur doctrine et leurs pratiques sont à l’opposé des codes déontologiques et des connaissances médicales normalement exigées.

Ces dérogations ont eu des conséquences graves : épidémies de diphtérie, de poliomyélite, de rougeole… Elles ont également mis à l’abri de la justice les auteurs de maltraitance, de négligence et de mise en danger d’enfants au sein de la communauté, ainsi que ceux qui n’avaient pas dénoncé ces faits. De nombreux cas de décès d’enfant ont attiré l’attention des services de protection de l’enfance. Plus de 50 parents ou praticiens de la Science Chrétienne ont été accusés de crimes pour avoir laissé des enfants souffrir et mourir d’affections qui auraient pu être traitées.

Plusieurs signes de déclin tendent à montrer que la Science Chrétienne pourrait disparaître mais sa doctrine et les exemptions religieuses dont elle a bénéficié laisseront en héritage un désastre humain organisé par un mouvement qui a sacrifié ses enfants au nom de ses croyances.

(Source : The Guardian, 06.08.2019)

  • Auteur : UNADFI