Des scientifiques en marche contre les pseudo-médecines

Jean Brissonnet, agrégé de physique honoraire spécialiste depuis plusieurs années des pseudo-médecines1, s’est déclaré satisfait de la tribune publiée par 124 médecins à propos des fake médecines2. Il a décidé de prendre part au combat en étant lui-même à l’initiative d’une pétition3.

Après plus de 25 ans d’étude sur le sujet, cette initiative est pour lui l’occasion de publier une série d’articles4 dans lesquels il a exprimé ses doutes vis-à-vis des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique, plus particulièrement de l’homéopathie, et en dénoncer les aberrations. Il fonde l’espoir que citoyens et patients se mobilisent, aiguisent leur sens critique dans un domaine qui supporte difficilement la contradiction et recouvrent la confiance dans la médecine scientifique.

Alors que l’homéopathie, à l’instar de l’ensemble des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique, remporte un succès grandissant en Europe, des voix discordantes commencent à se faire entendre. Non sans provoquer de vives réactions car critiquer l’homéopathie n’est pas une mince affaire.

Les 124 médecins engagés contre les fake médecines risquent d’ailleurs d’en faire judiciairement les frais. Leur tribune, publiée dans le Figaro, a suscité des réactions de plusieurs syndicats non représentatifs qui annoncent avoir déposé « des plaintes disciplinaires auprès de l’Ordre des médecins envers 10 signataires. L’un de ces syndicats a invité dans un communiqué « tous ceux qui considèrent cette inadmissible agression idéologique comme une incitation à l’intolérance à se joindre à ces plaintes », dénonçant une « tribune insultante et anti-confraternelle ».

Jean Brissonnet a par le passé été inquiété de la même façon. Dans son premier livre, Les pseudo-médecines, un serment d’hypocrites, il consacrait déjà une part belle à l’homéopathie et évoquait notamment la présence de nombreux médecins homéopathes au sein des sectes guérisseuses. S’appuyant sur des éléments concrets et avérés, il reçut des années plus tard un courrier contestant les faits relatés dans son ouvrage.

On pourrait également évoquer le cas de Natalie Grams. Médecin allemand, elle a abandonné l’homéopathie pour revenir exclusivement à une pratique scientifique de la médecine. Elle en a donné les raisons dans deux ouvrages qui ont déclenché des réactions d’autant plus violentes qu’il était difficile de l’accuser d’incompétence. Dans un article paru en juillet 2017, elle dénonce cette agressivité démesurée : « La violence de la réaction des gens me terrifie. Dès que vous sortez une phrase, vous vous faites insulter, traiter de Nazie ».

Alors pourquoi ceux qui croient fermement en l’homéopathie sont-ils si virulents ? Jean Brissonnet nous donne quelques éléments de réponses.

Concernant sa prétendue efficacité, Jean Brissonnet remet en lumière plusieurs études sérieuses et scientifiques mettant en question l’homéopathie et ses traitements. Tout d’abord, la revue The Lancet5 a publié en 2005 une méta-analyse concluant à « peu de preuves d’un effet spécifique des remèdes homéopathiques ». L’étude menée en 2015 par le Conseil australien de la santé nationale et de la recherche médicale a conclu pour sa part : « l’homéopathie ne convient en aucun cas pour le traitement des maladies chroniques ou graves. Ceux qui choisissent l’homéopathie mettent leur santé en danger s’ils rejettent ou tardent à prendre des traitements dont l’efficacité est démontrée ». Et enfin, le rapport du Conseil scientifique des académies des sciences européennes confirme « l’absence de preuve solide et reproductible de l’efficacité des produits homéopathiques ».

Concernant le lobby, Jean Brissonnet révèle le rôle particulier de la France dans la promotion, la défense et la diffusion de la pratique. Tout d’abord, parce que la France est le premier fabriquant de médicaments homéopathiques. Les chiffres d’affaires réalisés dans les différents pays par son plus grand fabricant parlent d’eux-mêmes : 371 millions d’euros pour la France, 167 pour le reste de l’Europe et 65 pour les Etats-Unis et le Canada réunis.

Ensuite, parce que la France est le premier « consommateur » d’homéopathie et qu’elle classe ces remèdes dans les médicaments avec un statut dérogatoire d’AMM6. Cette classification est pratiquement unique au monde. D’ailleurs l’homéopathie est quasi inexistante dans la plupart des autres pays. Ainsi en Suède, les produits homéopathiques ne sont pas vendus en pharmacie et leur prescription par un médecin peut entraîner sa radiation de l’Ordre. Au Canada, ils sont classés parmi les produits de santé naturelle. Les Etats-Unis exigent que les étiquettes indiquent de manière lisible « qu’il n’existe aucune preuve scientifique de l’efficacité du produit et que les allégations concernant le produit sont basées uniquement sur des théories datant du XVIIIè siècle, qui ne sont pas admises par la plupart des experts médicaux actuels ».

Concernant, enfin, les homéopathes eux-mêmes, Jean Brissonnet rappelle que l’homéopathie peut s’exercer sur simple déclaration, qu’aucune qualification particulière n’est demandée. Certains ont passé un diplôme universitaire (non qualifiant), d’autre ont suivi une formation privée dispensée, le plus généralement, par le grand laboratoire français de produits homéopathiques.

S’adressant à la ministre de la Santé, Jean Brissonnet s’exprime ainsi : « Madame la ministre vous avez su faire preuve d’un grand courage en résistant au lobby anti-vaccination. Vous vous honoreriez de poursuivre dans la même voie en faisant en sorte que la médecine retrouve le chemin de la science et le culte de la preuve que nous a légué Claude Bernard. »

1- Jean Brissonnet est agrégé de physique honoraire. Il a été vice-président de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) et a présenté de nombreuses conférences sur les médecines non conventionnelles. Il est l’auteur de :
– Les pseudo-médecines, un serment d’hypocrites, book e-book, 2003
– Les médecines non conventionnelles ou les raisons d’une croyance, book e-book, 2009
– La médecine postmoderne prend le pouvoir, Books on Demand, 2013

2- Lire sur le site de l’UNADFI, 124 médecins s’élèvent contre les médecines alternatives : https://www.unadfi.org/domaines-infiltration/sante-bien-etre/pratiques-non-conventionnelles/124-medecins-s-elevent-contre

3- Signer la pétition : https://chn.ge/2H80W0A

4- http://www.pseudo-medecines.org/

5- Grand journal médical international

6- Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), Articles L5121-13 et r5121-29 4 du code de la santé publique

Lire le PDF : «Les Zombies-Note de lecture»