Victimes d’abus sexuels au sein des Témoins de Jéhovah

Parallèlement à la sortie du rapport d’enquête de la Commission indépendante sur les abus sexuel sur enfant (Independent Inquiry into Child Sexual Abuse- IICSA) menée dans plusieurs communautés religieuses anglaises et galloises, plusieurs anciens Témoins de Jéhovah, victimes d’abus sexuels au sein de leur congrégation pendant leur enfance, ont pris la parole dans le journal Sky News pour dénoncer la politique de la communauté sur ce sujet.

Selon eux la communauté met en danger ses fidèles en omettant de signaler les agressions à la police et en permettant aux agresseurs repentants de rester dans leur congrégation, parfois sans le signaler aux autres membres. Les témoins affirment aussi que la communauté ne soutient pas les victimes et leur demande un haut niveau de preuve, comme la présence de deux témoins, pour considérer une agression comme crédible.

Emily, agressée sexuellement à partir de l’âge de quatre ans, a été traitée de menteuse lorsqu’elle a dénoncé les faits à l’âge de huit ans. Ses interlocuteurs Témoins de Jéhovah qui ne cessaient de lui répéter « les menteurs n’hériteront pas du royaume de Dieu », la menaçaient ainsi de ne pas être sauvée lors de l’Armageddon. Son agresseur, Peter Stewart, n’a pas été exclu de sa congrégation grâce au repentir au cours duquel il a affirmé n’avoir pas commis d’autres agressions. Pourtant Emily apprendra plus tard que trois autres jeunes filles avaient été victimes d’agression par le même homme.

Les Anciens ont du mal à passer outre les directives du manuel Faites paître le troupeau de Dieu qui stipule, entre autres, qu’au moins deux personnes doivent corroborer les dires d’une victime d’agression pour la considérer comme vraie. Le guide stipule également que si l’acte répréhensible n’est pas prouvé, ils doivent envoyer un rapport au siège de leur congrégation. Selon Lloyd Evans, un ancien de la communauté, ces informations seraient traitées dans une base de données.

Si le manuel ne décourage pas les victimes de porter plainte, elles n’y sont pas encouragées, et ne sont pas incitées par les Anciens à le faire. En effet, explique Lacie Jones, une victime d’abus sexuel, « pour pouvoir parler à la police, ils devraient démissionner de leur poste d’anciens ». Si son agresseur a finalement été condamné à neuf ans de prison en 2020, d’autres ne vont jamais jusqu’au procès, car aller à la police équivaut à trahir Jéhovah en faisant confiance au monde extérieur considéré comme mauvais. Prendre ce risque pourrait exposer la victime au rejet de sa famille.

La méfiance vis-à-vis du monde extérieur est constamment entretenue. Dans une vidéo récente, David Splane membre de l’organe directeur des Témoins de Jéhovah aux États-Unis, a demandé à ses fidèles de « ne pas croire les paroles des personnes qui ne suivent pas la foi, mais que ces paroles pourraient être nuisibles. » Il est allé plus loin en leur recommandant « d’être sceptiques quant aux jugements des tribunaux » et a ajouté « : « Si quelqu’un est reconnu coupable par des hommes, cela ne veut pas dire qu’il est coupable aux yeux de Dieu ».

Même si les responsables Témoins de Jéhovah affirment que les abus sexuels sont signalés « aux autorités laïques externes », le fonctionnement interne de l’organisation, défaillant dans la protection des enfants et poussant à la méfiance des autorités extérieures, crée un environnement favorable aux délinquants sexuels. Ce qu’avait déjà constaté la Commission royale australienne lors de son enquête sur les abus sexuels sur mineurs dans les institutions.

(Source : Sky News, 01.09.2021)