Historique

En 1968, quatre jeunes filles de El Palmar de Troya (province de Séville) ont affirmé avoir vu la Vierge. Parmi les dévots et autres curieux s’étant rendu sur place, Clemente Dominguez et Manuel Alonso ont rapidement attiré l’attention.

En 1974, ils fondent l’Ordre dit des « Carmélites de la Sainte Face », et font bâtir une basilique grâce aux dons de riches étrangers croyant aux apparitions mariales.

En 1976, alors qu’ils relayaient des messages défaitistes de la Vierge sur l’apostasie de l’Eglise catholique, ils réussirent à obtenir que Mgr Pierre Martin Ngo Dinh Thuc, évêque sud-vietnamien, ordonne illicitement des prêtres au sein des « Carmélites de la Sainte face ». Deux ans plus tard, à la mort de Paul VI, Clemente Dominguez s’autoproclame nouveau pape et prend le nom de Grégoire XVII. Dès lors, le groupe affiche son traditionalisme et rejette Vatican II. Le « Saint-Siège » est « transféré » dans la communauté de El Palmar de Troya, dans la province de Séville.

En 1987, ils obtiennent l’inscription au registre des entités religieuses du ministère de la Justice grâce à une décision de la Cour suprême alors que cette reconnaissance officielle leur avait été jusqu’ici refusée.

Doctrine

Ce mouvement pseudo-catholique ultraconservateur vénère ses « saints », parmi eux Adolf Hitler et Francisco Franco. Sa doctrine est proche de la foi catholique mais avec des particularités issues de diverses traditions ou de révélations personnelles. Ainsi la sainte trinité était représentée par Ananias (Père), Melchisédek (fils) et Malachie (Saint-Esprit).

Selon les textes religieux, l’incarnation de l’Antéchrist est née en l’an 2000 à Bethléem. Selon les prédictions, il se présenterait à l’âge de 12 ans sous les traits d’un prodige.

En 2013, la non-venue de ce « diable » sème le doute dans la communauté.

Leadership

Mort en 2005, Clemente Dominguez est remplacé par Manuel Alonso qui prend le nom de Pedro II. À la mort de ce dernier, en 2011, c’est Ginés Jesus Hernandez qui devient le troisième pape sous le nom de Grégoire XVIII. Il a affirmé avoir été désigné par Jésus-Christ. Markus Joseph Odermatt est l’actuel « pape » de l’Eglise palmarienne. Il a été nommé par son prédécesseur pour lui succéder. D’origine suisse, il est le premier pape non espagnol depuis la fondation de l’Eglise palmarienne.

Clemente Dominguez était doté d’un fort charisme qu’il utilisait pour séduire les nouveaux adeptes. Tandis qu’il s’autorisait des relations sexuelles avec différentes partenaires, il imposait le célibat absolu à ses disciples.

Manuel Alonso, le deuxième pape, travaillait de manière moins visible. Il traduisait des textes ultraconservateurs dans plusieurs langues pour attirer de nouveaux adeptes à travers le monde. Il mettait en garde les membres contre leurs « ennemis » : l’Église catholique romaine, les francs-maçons, les communistes et la classe politique.

Ginés Jesús Hernández prétend avoir assoupli les règles au cours de son mandat de « souverain pontife ». Mais il aurait au contraire durci certaines règles comme l’interdiction d’aller au cinéma ou de porter des manches courtes. « Gregorio XVIII » a fini par quitter la secte, emportant avec lui les documents qu’il a menacé de rendre public. Il nie avoir volé de l’argent et la « papamobile », un 4X4 BMW. Il serait aujourd’hui reclu avec sa compagne dans la Sierra Nevada.

Vie des adeptes

Les anciens membres ont accusé le groupe de fonctionner sur un mode totalitaire, avec une discipline de fer.

Ainsi, dans un décret apostolique, Clemente a strictement interdit, sous peine d’excommunication, d’assister à tous les sacrements « célébrés dans l’Église romaine et d’autres sectes hérétiques et schismatiques … » Des règles strictes sont également édictées sur la bonne façon de s’habiller, l’interdiction d’aller à la plage ou celle de fréquenter des personnes extérieures à la communauté.

Les adeptes obéissaient aveuglément au pape autoproclamé du moment. Leur mode de vie très strict a contribué au changement de leur personnalité.

Dérives

Les activités financières du groupe ont été maintenues secrètes durant les quarante années où les fidèles avaient l’interdiction de communiquer avec l’extérieur. Ginés connaissait les opérations d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Le fisc doit étudier les comptes des trois « papes ».

Miguel Perlado, psychologue spécialiste des mouvements religieux et fondateur de l’Association ibéro-américaine d’enquête sur la violence psychologique, a rencontré sept anciens membres. Il estime qu’ils ont subi de graves préjudices psychologiques. « Les jeunes qui sortent sont perdus », dit-il. « Ils ont un gros problème avec leur identité. Ils ont été victimes de violence psychologique et on leur a lavé le cerveau avec la menace terrifiante de Satan ».

Soumis pendant des années à la doctrine radicale de la secte, les victimes souffrent de sérieux troubles psychopathologiques qui conduisent à de graves problèmes tels que la toxicomanie et des crises d’angoisse. Perlado définit la secte comme « une machine à faire de l’argent. »

(Source : Aleteia, 29.10.2014 & El Pais, Javier Martin-Arroyo, 26.05.2016)