Pourquoi la Scientologie soutient-elle la réforme pénitentiaire Trump ?

En décembre 2018, la Scientologie a fait partie des vingt-deux cosignataires d’une lettre de soutien au First Step Act1, réforme pénitentiaire initiée par Donald Trump. John Stanard, l’un des signataires, est le « Directeur national des Programmes et Politiques d’amélioration sociale, Bureau des affaires nationales de l’Église de Scientologie ».


La lettre a été rédigée par Families against Mandatory Minimum. Son président a tenu a expliquer que la Scientologie a pu signer au titre de membre de la table ronde sur la justice.

Le journaliste Lachlan Markay a par ailleurs révélé que Greg Mitchell, un lobbyiste travaillant en faveur du First Step Act pour le compte d’un des signataires de la lettre, avait gagné de fortes sommes d’argent en travaillant pour le compte de la Scientologie entre 2003 et 2011 sur des questions relatives à la liberté de religion au niveau international. Il a également conseillé la Scientologie sur le First Step Act durant deux ans. S‘il avoue qu’il n’a plus travaillé pour l’Église depuis 2011, il confesse au Daily Beast qu’il faisait du lobbying officieux pour Narconon et Criminon, vantant l’efficacité de ces programmes dans la réhabilitation des prisonniers.

L’un des volets du First Step Act est la possibilité de gagner « un crédit temps » en participant à un programme de réhabilitation pour obtenir une libération anticipée. Et, selon des ex-scientologues, la vraie raison du lobbying de la Scientologie en faveur de cette loi est qu’elle lui offrait la possibilité de recruter des prisonniers. Pour Mike Rinder, ancien cadre du mouvement, l’infiltration de la Scientologie révèle aussi sa volonté d’influencer le système judiciaire car selon Ron Hubbard (fondateur de la Scientologie), « la justice est injuste, impraticable et corrompue. Elle ne sera jamais rendue tant qu’elle ne le sera pas selon le système « d’Ethic and justice » de la Scientologie. »

C’est pour atteindre cet objectif que la Scientologie a créé le programme Criminon. Actuellement dirigé par le marie de la soeur de Tom Cruise, Greg Capazorio, Criminon est « un groupe d’entraide sociale » dont le but est d’éradiquer le crime en réhabilitant des criminels grâce aux « techniques » développées par Ron Hubbard. Le programme repose essentiellement sur le « Chemin du bonheur », une brochure conçue par Ron Hubbard, rassemblant vingt-et-un préceptes censés améliorer la vie. Ce fascicule est l’un des outils de recrutement de l’organisation. Tom Cruise en a donné des exemplaires à l’équipe de tournage de la « Guerre des mondes ». Les « Ministres volontaires » en distribuent sur des lieux de catastrophe, comme en novembre 2018 lors des incendies qui ont ravagé la Californie. La Scientologie a même essayé de l’introduire dans les écoles des États-Unis.

Bien que les liens entre Criminon et la Scientologie soient avérés, l’organisation se présente sur son site comme laïque et affirme « qu’elle n’est pas autorisée à utiliser les écrits religieux, ni les technologies de Ron Hubbard ».
Pour l’actrice Leah Remini, ex-scientologue, devenue une farouche opposante au groupe, « le Chemin du bonheur est un outil de propagande ». Selon elle, la doctrine très précise de Ron Hubbard concernant les « relations publiques » impose que la Scientologie doit « s’aligner sur de vraies églises et se présenter comme la vraie solution aux maux de l’humanité ».

Criminon dispense son programme dans divers pays du monde. Dans un communiqué de presse du 13 décembre 2018, le groupe se vante d’avoir touché 1445 détenus pour les seules prisons de Floride grâce à ses cours par correspondance. Selon son site web, Criminon aurait réduit le taux de récidive de 80 à 0 % et éradiqué la violence dans les cellules mais ces chiffres n’ont pas été validés par une étude indépendante.

Un article de 2005 du Los Angeles Times a révélé qu’à l’instar de la Scientologie, Criminon estimait que « la psychiatrie moderne et ses médicaments étaient néfastes ». Selon une vidéo promotionnelle de 2011, « les détenus seraient drogués de force pour les garder sous contrôle ». Mais pour Stephen Kent « l’objectif de la Scientologie n’est autre que de détruire la psychiatrie pour la remplacer par ses propresméthodes ».

(Source : The Daily Beast, 12.01.2019)

1. Ce projet vise à réduire le risque de récidive parmi les 181 000 condamnés incarcérés aux Etats-Unis.