Opération d’envergure à Sus

Dans la nuit du 15 au 16 juin 2015, une importante opération de gendarmerie a été menée dans les bâtiments de Tabitha’s Place, communauté sectaire installée à Sus, près de Pau (Pyrénées Atlantiques). La communauté, installée depuis 1983, fait l’objet d’une information judiciaire ouverte en mars 2014 par le procureur Jean-Christophe Muller. L’ouverture de l’enquête fait suite au témoignage d’un ancien adepte et concerne notamment « des faits d’abus de vulnérabilité dans le cadre d’un mouvement à caractère sectaire et des faits de violences sur mineurs » ainsi que des suspicions de travail dissimulé et de travail des enfants. La même opération a été menée dans la région de Perpignan où vivent une dizaine d’adeptes de Tabitha’s Place.

L’information judiciaire a été ouverte pour « soustraction à l’obligation légale par un parent envers ses enfants ». Elle devrait permettre de connaître les conditions dans lesquelles les centaines de mineurs qui fréquentent la communauté vivent, sont éduqués et participent à l’activité économique. L’opération a pu être lancée à « l’issue de vérifications longues et minutieuses », notamment sur les ramifications de la secte en Espagne et en Allemagne.
Une dizaine d’interpellations ont eu lieu à Sus et dans les Pyrénées orientales. Des responsables de la communauté ont été placés en garde à vue avant d’être remis en liberté deux jours plus tard. Les enfants ont été entendus et examinés par des médecins. Une fratrie a été confiée aux services sociaux après la découverte de marques récentes de corrections physiques. Le procureur a déclaré devoir « saisir le juge des enfants pour ces quatre enfants ainsi que pour d’autres susceptibles d’avoir été victimes de violences et qui, en tout état de cause, ne reçoivent pas une éducation conforme à leur intérêt ».

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a précisé que les enfants de la secte sont levés à 6 heures du matin et reçoivent un enseignement toute la matinée. L’après-midi, ils travaillent avec les adultes. Les loisirs sont limités car « les jouets sont l’oeuvre du diable ». La Miviludes explique également que les « corrections physiques sont réglementées et graduées » avec des coups de baguette en osier ou de règle sur différentes parties du corps. Ces violences sont justifiées par une application stricte d’un verset de la Bible : « La folie est liée au coeur des enfants ; le bâton qui les châtie les en éloignera ».
À Sus, les adeptes de Tabitha’s Place vivent de l’exploitation de terres agricoles. Ils sont soupçonnés de travail dissimulé, de fraude aux prestations sociales, de blanchiment de fraude fiscale. En mars 2002, 19 membres avaient déjà été condamnés par la Cour d’appel de Pau pour « soustraction aux obligations légales des parents » comme le refus de scolarisation et de vaccination. Quelques années auparavant, en 1997, un enfant de 19 mois était décédé faute d’alimentation et de soins ; ses parents avaient été condamnés en octobre 2001 à douze ans de réclusion criminelle et dix ans de privation de droits civiques et familiaux par la Cour d’assises des Hautes-Pyrénées.

(Source : Metronews, 16.06.2015 & Le Monde et Reuters, 18.06.2015)

Descriptif du groupe sur le site de l’UNADFI : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/que-sait-du-les-douze-tribus

Lire sur le site de l’UNADFI : Que sait-on de ? Tabitha’s Place

Témoignages

Ancien adepte

S., ancien adepte à l’origine de l’information judiciaire, a vécu dans la communauté de Sus jusqu’à sa majorité. Il a été victime de châtiments corporels tous les jours et même plusieurs fois par jour : « On est puni pour toutes sortes de motifs. Pour un oui ou pour un non… Parce qu’on a demandé à manger quant on avait faim par exemple ». Les membres de la secte n’ont pas accès à l’extérieur ni à l’information.
Son frère l’a rejoint deux après son départ. Leur père a été exclu en 2010 et a réussi à obtenir la garde de deux de ses filles.
S. a monté une entreprise artisanale avec son frère. Il tente de venir en aide aux autres jeunes qui quittent la communauté. Il espère pouvoir récupérer son frère handicapé.

(Source : France Bleu, 17.06.2015)

ADFI Bretagne Sud

Annick Le Héritte, présidente de l’ADFI Bretagne Sud, se souvient avoir eu plusieurs signalements concernant Tabitha’s Place au début des années 2000. Plusieurs familles du Finistère et du Morbihan s’étaient rendues à Sus et suscitaient l’inquiétude de leurs proches. En 2005, l’ADFI a été contactée par une famille qui avait fui la secte. Le lien ténu qu’elle avait gardé avec le reste de la famille et les enfants battus dans la secte leur avaient fait prendre conscience qu’il fallait en sortir. d’en sortir. Le déclic : les enfants battus.
Annick Le Héritte explique que les autorités (police ou services sociaux) ont été confrontées à une difficulté : chaque fois qu’elles se déplaçaient pour une inspection, les enfants avaient déjà été évacués vers l’Espagne. De plus, certains enfants ne sont pas déclarés ce qui complique le suivi de ces familles.

(Source : Le Télégramme, 18.06.2015)