L’ordre une nouvelle fois entaché

Suite à la révélation de nombreux abus sexuels au sein des Légionnaires du Christ et la sortie d’un rapport sur le sujet en décembre 20191, la congrégation pour la Doctrine de la Foi vient de suspendre de ses activités sacerdotales le responsable de l’école catholique réservée à l’élite de Cancun, Fernando Martinez, un prêtre haut placé dans la Légion et proche de Maciel. Il aurait agressé au moins six jeunes filles au sein de l’école.

Selon un document publié en novembre par la Légion, les actes perpétrés sur des jeunes filles âgées de 6 à 8 huit ans auraient débuté en 1969 pour se poursuivre jusque dans les années 1990. Comme pour d’autres prélats du mouvement, les dénonciations n’avaient eu aucun effet. L’une de ces victimes Ana Lucia Salazar raconte que les jeunes filles étaient sorties de classe par l’administrateur de l’école pour être emmenées à la chapelle où Martinez les violait parfois en présence d’autres enfants. Son témoignage a été corroboré par d’autres victimes. Dès le départ, les crimes ont été dissimulés. C’est ce qui a valu à Beatriz Sanchez, professeur d’anglais dans l’école, d’être licenciée pour avoir dénoncé les crimes à Eloy Bedia, supérieur mexicain des Légionnaires. Des enfants s’étaient confiés à elle et lui avait demandé de l’aide pour que cessent les abus de Martinez sur les plus jeunes de l’école.

Alors même que le chapitre général des Légionnaires du Christ s’est ouvert le 20 janvier à Rome, ce scandale a révélé le système de couverture dont a bénéficié le prêtre et démontre que l’influence des proches de Maciel, le fondateur, reste forte dans le groupe et ce malgré les réformes entamées depuis le début des années 2010.

Les autorités ecclésiastiques, tant à Rome qu’au Mexique, qui avaient connaissance de ces abus avaient refusé d’enquêter et de punir le prêtre, se contentant de le transférer sans restriction de contacts avec les enfants.

Cette nouvelle affaire montre que la réforme du Vatican n’a, non seulement, pas abordé le problème de la punition des agresseurs et des personnes qui les ont couverts, mais que rien n’a changé en ce qui concerne la dissimulation des crimes. Pour Christian Borgogno, un ancien prêtre de la Légion, c’est la décision du cardinal De Paoli (décédé en 2016) qui a « rendu la réforme impossible ». Quant à Rogelio Cabrera Lopez, l’archevêque de Monterrey, bastion de la Légion, il a dénoncé « le silence criminel du groupe et le traitement réservé aux victimes » et a appelé les évêques mexicains à « mettre fin au délai de prescription pour les cas d’abus pédosexuels ».

Le porte-parole du groupe a déclaré que le « chapitre général évaluerait les pratiques de protection des enfants […] et pourrait exiger la poursuite de l’enquête sur la dissimulation et d’autres cas d’abus de pouvoir par les supérieurs de la Légion ». Cependant les victimes considèrent ces promesses comme du vent. En effet, à ce jour, les huit premières demandes d’indemnisation demandées en 2018 par des victimes de Maciel sont loin d’être toutes réglées.

Concernant le cas d’Ana Lucia Salazar, le dirigeant actuel de la Légion, Eduardo Robles Gil s’est excusé auprès d’elle et lui a remis une lettre d’excuse écrite par son agresseur. Mais le geste n’a pas été du goût de la victime qui s’est sentie offensée et humiliée par la façon dont la lettre a minimisé les crimes et leur dissimulation.

A ce jour, la Légion est loin d’avoir démontré sa bonne volonté et de réels changements, si bien que des voix s’élèvent pour demander sa dissolution. A l’image de Xavier Léger, un ancien membre du groupe. Pour lui « tout est faux, tout est pourri chez les Légionnaires ». « Les jeunes n’y entrent pas par vocation, on les recrute en leur bourrant le crâne ». Il ajoute que Benoit XVI a été en-dessous de tout car en voulant sauver le réservoir de jeunes prêtres que représentait la Légion, il n’a démis Maciel que lorsqu’il n’a pas pu faire autrement. À son avis les choses ne peuvent pas changer alors que les soutiens de Maciel sont encore si nombreux à des postes clés du mouvement (66 d’entre eux sont présents au chapitre de cette année).

Ce dernier scandale est un coup dur pour la Légion car leurs écoles privées sont leur principale source de revenus.

(Sources : Ap News, 13.01 & 20.01.2020 & La Croix, 22.01.2020)

  1. Lire sur le site de l’Unadfi, Un rapport sur des abus sexuels contesté par les victimes : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/un-rapport-sur-des-abus-sexuels-conteste-par-les-victimes/
  • Auteur : Unadfi