Le gourou est-il toujours une menace ?

Le 18 février 2018, Jeong Myeonk-seok, leader de Jesus Morning Star (JMS), connu aussi sous le nom de Christian Gospel Mission (CGM) ou encore Providence, a été libéré après dix d’emprisonnement pour viol. Mais loin d’avoir perdu son influence sur ses adeptes il a continué depuis sa cellule à diriger son groupe avec l’aide de ses plus fidèles lieutenants qui ont entretenu le culte de la personnalité autour de leur chef « persécuté ».

Les premières accusations de viol contre Jeong ont été dévoilées en 1999 par la chaîne de télévision coréenne SBS. En 2001, d’autres plaintes l’ont poussé à prendre la fuite,laissant derrière lui de nombreuses allégations d’abus sexuel dans les différents pays où il s’est caché. Selon Exodus, une association anti-JMS, le nombre de victimes pour la Chine pourrait se monter à 500 personnes, et des ex-adeptes japonais et taïwanais estiment à une centaine le nombre de victimes dans chacun des deux pays.

Arrêté en 2003 à Hong Kong, grâce au concours d’Exodus, il a réussi à fuir avant que les autorités sud-coréennes ne puissent l’extrader. En représailles, des membres de JMS s’en sont pris violemment au père du fondateur d’Exodus.

À nouveau arrêté en Chine en 2007, il sera enfin extradé vers la Corée du Sud. Encore une fois, les adeptes ont riposté par la violence aux articles parus dans la presse contre leur gourou, en agressant le personnel du Donga Ilbo, un quotidien national. Jeong fut finalement reconnu coupable du viol de quatre adeptes et condamné à six ans de prison, étendus à dix en appel.

Jeong est aujourd’hui âgé de 72 ans, mais sa libération inquiète ses opposants qui craignent qu’il soit encore une menace pour les jeunes femmes. Selon le Dr Tark Ji-il, professeur de théologie à l’Université presbytérienne de Busan, les abus sexuels de Jeong sont profondément liés à sa doctrine et il sera difficile pour lui de ne pas l’appliquer.

Spiritualité et sexualité sont liées dans ce mouvement car selon Jeong les rapports sexuels avec le Messie (Jeong lui-même) nettoieraient du péché originel. Le fonctionnement du groupe, basé sur la satisfaction des désirs de son fondateur, implique une organisation très structurée. Les jeunes adeptes féminines sont endoctrinées et préparées pour consentir à s’offrir à lui. Même pendant sa fuite, ses plus fidèles adeptes on continué de lui envoyer des photos de jeunes membres avec leurs mensurations. Une fois sélectionnées, Jeong les recevaient pour un « bilan de santé » qui nécessitait qu’elles se déshabillent. Les femmes trop éloignées pour lui rendre visite étaient contraintes d’échanger avec lui une correspondance au contenu sexualisé. Ce qu’il a continué à faire en prison1.

À l’instar de plusieurs « messies » sud-coréen, Jeong a été adepte de l’Église de l’Unification, dont il s’est fortement inspiré pour créer son propre groupe : messianisme du gourou, mariages de masse, utilisation de groupes écrans pour recruter des adeptes…

Exposant sa doctrine dans son livre « Paraboles : Livre de ressources », il décrit « la société humaine idéale comme une ruche dans laquelle chaque abeille doit avoir une relation amoureuse avec sa reine, est toujours occupée et dont la défection entraîne la mort ». Le recrutement d’adeptes féminines, objectif principal de la secte, se fait sous couvert d’associations de sport et de danse, de mannequinat, ou d’étude biblique réservée aux femmes. Le concept d’une relation sexuelle avec Dieu ou son représentant est introduit au cours d’un enseignement divisé en trois parties qui amène progressivement les adeptes à croire que coucher avec Jeong relève d’une mission divine.

Mais les théories de Jeong ne s’arrêtent pas là. Peter Dailey2, auteur d’un article paru dans Korea Expose, dénonce depuis longtemps la dangerosité de JMS. En 2005, il a publié l’extrait d’un sermon de Jeong, prononcé en 1998 dans une arène du parc olympique de Séoul, faisant l’éloge d’Hitler et de l’holocauste, affirmant que « la crucifixion de Jésus est la raison pour laquelle Hitler a tué six millions de juifs dans les chambres à gaz . « Si vous ne pensez pas que c’était une bonne chose, vous n’avez rien à faire avec moi ou avec le Salut » ajouta-t-il. Régulièrement menacé par des adeptes fanatiques, le journaliste a fait l’objet de plusieurs plaintes en diffamation.

Plaintes en diffamation, bataille autour de la page Wikipédia de JMS pour en supprimer les contenus sujets à controverses ou mise en ligne de nombreux sites censés rétablir la vérité sur leur gourou présenté comme la victime d’une injustice, le culte de la personnalité autour de Jeong est si fort que ses adeptes sont prêts à tout pour le défendre.

Les accusations portées contre Jeong n’ont pas freiné l’accroissement du nombre d’adeptes à travers le monde3. En Corée du Sud, leur activité a été observée sur plus de quarante campus universitaires et dans vingt établissements secondaires. En dehors de la Corée du Sud, Taïwan et la Malaisie seraient les deux pays asiatiques les plus touchés avec 1000 membres pour chaque. En dehors de l’Asie, le groupe est bien implanté aux États-Unis. On note aussi sa présence dans plusieurs pays d’Europe, dont la France.

(Source : Korea Exposé, 26.02.2018)

1. Lire sur le site de l’UNADFI : Un leader incarcéré mais toujours actif : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/un-leader-incarcere-mais-toujours-actif
2. Lire dur le site de l’UNADFI: Témoignage d’un observateur extérieur : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/temoignage-d-un-observateur-exterieur
3. Lire sur le site de l’UNADFI : Même sans leader, le groupe prospère : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/meme-sans-leader-le-groupe-prospere