Le coaching, un juteux business peu encadré

Le développement personnel a le vent en poupe : laissant « miroiter une réussite accessible à tous », il se propose, via des accompagnements souvent très coûteux, d’être un « tremplin vers une vie meilleure ».

Le succès du développement personnel est tel qu’une myriade de coachs proposant des accompagnements très divers a envahi le marché. Si certains ont réussi à se faire une place de choix, comme David Laroche qui propose un programme à 10 000 euros, la concurrence est féroce. et la majorité d’entre eux doit « trouver un concept ou une méthode originale, qui les démarquera de la masse. ». C’est le cas de Nicolas Gétin qui propose, lors de stages collectifs facturés 800 euros les trois jours, de réactiver le « feu sacré » pour être à nouveau en harmonie avec soi-même.

Certains utilisent internet pour toucher un public plus large et vendre des accompagnements en ligne comme Franck Nicolas, un canadien qui offre pour 2 000 euros un programme de sept mois constitué de vidéos suivies d’un petit questionnaire.

Les promesses sont telles que les gens ont l’impression que l’argent investi sera récupéré par les succès futurs dus à l’évolution de leur personnalité

La motivation de beaucoup d’adeptes du coaching est souvent professionnelle soit pour une reconversion, soit sur demande de leur employeur. Mais les coachs sont aussi recherchés pour traiter des problèmes de couple, de famille, de santé ou encore psychologique

Des problèmes parfois graves peuvent ainsi être confiés à ces coachs dont l’activité professionnelle n’est que très peu, voire pas du tout encadrée.

Si « l’Université Paris 2 et l’IUT d’Aix-Marseille proposent bien une formation de coach professionnel », essentiellement à destination des cellules RH des entreprises, la majorité des coachs pour particuliers exercent sans diplôme ou avec des certifications octroyées par des écoles privées qui proposent souvent des formations très courtes, à l’image de Linkup Coaching dont la formation de six à huit mois ne prévoit que 12 jours en présentiel complétés par des contenus en ligne, le tout facturé 5 000 euros.

Pour combler l’absence de diplôme, des « coachs mettent en avant leurs talents d’écoute et d’intuition », ce qui ne demande aucun diplôme. Le coach Pierre Mézières, par exemple, propose « des déblocages de l’inconscient à 250 euros l’heure », expliquant que « sa sensibilité lui permet de percevoir les micromouvements d’énergie de ses clients et de définir ce qui cloche ».

Nicolas Marquis, sociologue auteur de l’ouvrage « Du bien-être au marché du malaise », constate « qu’avec le développement personnel, il y a une expertise par l’expérience : les coachs n’appuient pas leurs conseils sur des théories apprises à l’université, mais sur ce qu’ils ont vécu eux-mêmes ». Les gens se tournent plus facilement vers eux que vers un psychothérapeute car ils semblent plus accessibles. Ils se placent dans une « relation pseudo-égalitaire avec leurs clients pour les amener à découvrir la solution par eux-mêmes, alors qu’un psychothérapeute traite des patients. » expose Nicolas Marquis. Mais, selon lui, le risque c’est que les « les clients se mettent en position d’être influencés ».

Pour beaucoup le coaching semble être une solution plus simple qu’une psychothérapie qui peut faire peur car elle est souvent associée avec l’idée d’une pathologie mentale.

Le développement personnel ne propose pas de guérir, «l’objectif est de devenir une meilleure version de soimême, de chercher constamment à progresser», résume Samuel Gerrand. Alors que le psychothérapeute s’attarde sur les maux de ses patients, le coach semble travailler à créer une dynamique vers l’avenir, « à aider son client à atteindre un objectif », explique Samuel Gerrand.

Le coaching promet que chacun a en lui-même les clés pour s’en sortir si tant est qu’il fournisse l’effort nécessaire. Cette injonction est culpabilisante, comme le souligne Nicolas Marquis, car elle signifierait « que ceux qui n’y sont pas arrivés n’ont pas encore fait assez d’efforts » et également que « notre bien-être serait de notre propre ressort, et plus de celui de la collectivité ».

Les dérives ne sont pas rares dans ce milieu ou l’absence d’encadrement favorise les abus. La Miviludes a enregistré 49 signalements concernant ce secteur depuis janvier 2018, dont dix-huit visant David Laroche et sept Franck Nicolas. « Dépendance totale et soumission inconditionnelle au coach, seul référent pour tous les problèmes. Certains individus sont poussés à abandonner leur travail, leur famille ou leur conjoint pour adopter la vie proposée par le coach», explique la Miviludes. Les abus financiers sont également fréquents. Attirés par des promesses de gains financiers et l’espoir d’acquérir un nouveau potentiel, certains coachés s’endettent dans des accompagnements hors de prix.

(Source : Marianne, 04.08.2020)

Lire sur le site de l’Unadfi, Le Diktat du bien-être : https://www.unadfi.org/wp-content/uploads/2019/10/Le-diktat-du-bien-%C3%AAtre.pdf

  • Auteur : Unadfi