Jeane Manson serait membre des Enfants de Dieu

Coline Berry, la fille de Richard Berry, qui a porté plainte contre son père et son ancienne belle-mère, Jeane Manson, pour inceste et abus sexuel dans son enfance, accuse cette dernière d’avoir été membre de la secte des Enfants de Dieu, un groupe qui prônait la « pédophilie et l’inceste » et notoirement connu pour de nombreux abus sexuels sur des enfants.  

La chanteuse a réfuté dans un communiqué avoir appartenu au mouvement : « J’ai déjà écrit dans mon livre paru en 2011 que les musiciens que je fréquentais, alors rattachés à ce mouvement spirituel, formaient certes une sympathique communauté, mais dont je ne suis pas devenue une adepte ». Il s’agissait d’une « collaboration professionnelle éphémère dans les années 70 » et elle regrette que celle-ci soit désormais « transformée en accusations malveillantes ».

Mais cela n’a pas empêché Marilou Berry, la cousine de Coline Berry, de soutenir cette dernière en relayant sur internet un article de Vanity Fair intitulé « Story : Les Enfants de Dieu, cette secte des années 70 fréquentée par des célébrités » dans lequel des passages tirés de la biographie de la chanteuse laissent envisager davantage qu’une simple collaboration professionnelle.

Dans sa biographie parue en 2011, Jeane Manson raconte sa rencontre avec les membres du groupe « Family of love » lors d’une émission de télévision en 1976. L’entente est immédiate, leurs origines anglo- saxonnes, la musique, ainsi que les thèmes de leurs chansons sont des points communs qui les rapprochent. Elle a su rapidement que le groupe était une émanation des Enfants de Dieu, mais n’apprendra que plus tard qu’il s’agissait d’une secte dont elle ne mentionne que les problèmes financiers, omettant d’évoquer les actes pédophiles, connus depuis longtemps pourtant.

À l’époque elle ne voit en eux « qu’une sympathique communauté qui vivait tels des hippies californiens, “peace and love” avec en plus une forte connotation religieuse ». S’étant liée d’amitié avec plusieurs membres, elle s’est rendue dans leur maison de Colombes « où piaillaient de nombreux enfants qui n’allaient pas à l’école, les membres de la communauté se chargeant de leur éducation » et s’est peu à peu pliée « à leur rite, tout en gardant son indépendance et sa liberté spirituelle ».

Elle s’est si bien entendue avec le groupe qu’elle a fait d’eux ses musiciens pour une tournée et a, en 1977, participé à leur album The Bible, un disque financé par son mari André Djaoui, sur lequel figure aussi Demis Roussos.

« Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes étaient profondément bons » déclarera-t-elle dans son autobiographie.

Pourtant nombreux ceux qui ne partagent pas cet avis sur la secte des Enfants de Dieu, un groupe chrétien apocalyptique fondé en 1969 par David Brandt Berg, alias Moïse David, qui a quitté femme et enfants après une vision prophétique, pour s’installer avec Karen Zerby, sa nouvelle compagne.

Se faisant porte-parole d’une jeunesse désillusionnée, il prétend porter le vrai message de l’évangile transmis par l’intermédiaire de son ange gardien Abrahim. Il réunit rapidement un grand nombre d’adeptes qu’il persuade de « renier et haïr leurs amis, leur employeur mais aussi leur famille ». Bientôt accusé de proxénétisme, détournement de mineurs et fraude fiscale, le gourou convainc 2 000 d’entre eux de le suivre en Europe pour échapper à la collision d’une comète avec les États-Unis en 1973.

En 1974 la secte compte déjà plus de 4 000 adeptes répartis dans 170 colonies aux Etats-Unis et en Europe. Un nombre qui va croître grâce au lancement en 1975 du « flirty fishing », une « prostitution missionnaire » que le gourou justifie « dès lors qu’il est accompli à des fins spirituelles ». En France cette pratique conduit à la dissolution du groupe pour racolage et prostitution, en 1978.

Mais le mouvement poursuivit ses activités sous diverses appellations : The Family of Love, Heaven’s boys, Heaven’s girls, Services missionnaires internationaux, Centre au service des familles, Familles sans frontières. Il cache des préceptes encore plus sombres sur la sexualité libre pour tous quel que soit l’âge ou les liens de parentés. En 1993 une douzaine de communautés clandestines avaient été débusquées dans le sud de la France.

David Berg a poursuivi ses activités à travers le monde et a étendu sa communauté en Asie. À sa mort en 1994, Karen Zerby reprend les rênes du groupe qui s’appelle désormais la Famille Internationale et se présente comme « un réseau d’hommes et de femmes chrétiens » qui prétend oeuvrer, entre autres, pour « la protection de l’enfance ». Ce qui interroge lorsque l’on connaît son passé.

Passé dévoilé, entre autres, dans « Purulence » (2009), et « Fille de chair » (2014) deux livres de la française Amoreena Winkler qui a vécu dans le groupe et subi des abus sexuels dès l’âge de quatre ans. Elle ne doit son salut qu’à sa fuite à l’âge de 17 ans. Dans un entretien donné au Parisien en 2010 elle raconte que le gourou avait institué la stimulation et la pratique sexuelles sur les enfants. « Les adultes pouvaient donc disposer de notre corps. Les enfants étaient conviés à des orgies géantes. Et comme à notre âge nous n’avions pas de repères, on ne voyait pas où était le mal. On était des esclaves sur pattes, au service de la secte et de la cause ». Dans le même article elle ajoute que « beaucoup de jeunes qui ont grandi dans les Enfants de Dieu sont morts, de suicide ou d’overdose ». C’est probablement ce qui est arrivé à River Phoenix, le frère de l’acteur Joachim Phoenix, tous deux ayant grandi dans la secte avant que leurs parents ne prennent la fuite. « Cette réalité-là est très difficile à gérer. On a été élevé pour mourir en martyr », explique Amoreena Winkler et « se reconstruire est très difficile. »

Le journal Voici s’étonne que Jeane Manson n’ait pas, lorsqu’elle a publié sa biographie en 2011, eu connaissance du livre d’Amoreena Winkler, dont la sortie en 2009 avait fait couler beaucoup d’encre.

Jeane Manson précise qu’elle réserve désormais ses « explications aux autorités ».

(Sources : Voici, 04.03.2021 & 09.03.2021, Vanity Fair, 17.03.2021 Closermag, 17.03.2021 & 22.03.2021)

L’ensemble des articles sur le mouvement : https://www.unadfi.org/mot-clef/edd-famille-internationale/

  • Auteur : Unadfi