Communautés nouvelles, pourquoi tant de dérives ?

A l’occasion du deuxième volet de leur chapitre, les Frères de Saint Jean ont abordé le sujet des abus divers commis par leur fondateur, Marie-Dominique Philippe. Ils ont entrepris de mener un travail de refondation pour garder la base doctrinale de la communauté tout en prenant leurs distances avec leur ancien dirigeant tout puissant

Marie-Dominique Philippe n’est pas le seul fondateur de communauté nouvelle à avoir abusé de certains de ses fidèles et au fur et à mesure que les victimes parlent, la liste s’allonge : Ephraïm et Jacques Marin (Communauté des Béatitudes), Thierry de Roucy (Point Cœur), Thomas Philippe et sœur Alix (Communauté Saint-Jean), Mansour Labaky (Foyer Notre-Dame), Bernard Peyrous (Communauté de l’Emmanuel), André-Marie van der Borght et Georges Finet (Foyers de Charité) …

Les abus sont de toutes sortes, psychologiques, spirituels et très souvent sexuels.

Ces communautés sont apparues au moment où la religion connaissait un fort recul et où les fidèles ne se reconnaissaient pas dans le catholicisme progressiste proposé après le concile de Vatican II.

« Vues comme des planches de salut », elles ont donné aux fidèles en « attente d’une manifestation forte du sacré », l’impression d’un retour vers un christianisme plus authentique et des rituels emphatiques et plein d’émotions, contrastant avec la monotonie des paroisses dont les églises se vidaient.

Très influencés par le Renouveau charismatique, dont les adeptes se croient en lien direct avec le Saint-Esprit, les fondateurs « assurés de posséder la vérité » deviennent le « père », le « berger » de leur communauté. Charismatiques, ils attirent à eux une jeunesse « assoiffée d’absolu, en recherche d’une expérience mystique forte où Dieu serait le centre de leur vie », espérant de ces communautés un renouveau de l’Église.

Pour souder leur communauté, ils savent s’entourer de fidèles admiratifs et écarter ceux qui remettraient en question leur autorité. Le père Yann Vagneux, membre de Point Coeur de 1996 à 2002, le reconnaît : « nous étions des miroirs complices, leur reflétant l’image d’êtres saints […], et en cela, nous avons eu notre part de responsabilité. » Selon lui, lorsqu’il n’y a plus de regard extérieur tout est possible.

Vivant en vase clos, ils avaient « recréé une église parallèle, […] avec l’idée que personne, pas même les évêques qui n’avaient pas le niveau, ne pouvait comprendre leurs intuitions en dehors de la communauté ». Profitant de l’ignorance de leurs fidèles, ils ont pu imposer leur conception personnelle de l’autorité qu’il était impossible de remettre en question tant leur charisme était fort.

Analysant la personnalité des leaders, la psychothérapeute Isabelle Chartier-Siben1 souligne chez eux « une inexpérience humaine et spirituelle tragique » et « un arrivisme considérable » qui les a menés à « se laisser prendre par la réussite et le pouvoir » […], « ils n’ont pas su gérer leur ascension sociale et ont dérapés psychiquement et spirituellement », oubliant l’ascèse et l’humilité nécessaires à la direction d’une communauté. Pour certains, selon Isabelle Chartier-Siben, le dérapage était inévitable en raison « d’une faille dans l’affectivité et la sexualité, voire une perversion qui a basculé dans la manipulation et l’exploitation des personnes dans la jouissance de la transgression et de la toute-puissance ».

Tout contre-pouvoir interne ayant été éradiqué, sans contrôle externe du fait d’un statut canonique souvent flou, il était difficile d’agir contre ces personnalités manipulatrices souvent bien vues à Rome et parfois soutenues par des évêques.

(Source : La Croix, 22.10.2019)

  1. Isabelle Chartier-Siben a fondé l’association C’est à dire, dont la mission est l’aide aux victimes d’abus physiques, psychiques et spirituels.
  • Auteur : Unadfi