Bad vibrations

Kosmic Fusion, groupe néo-zélandais new age, a implosé après les déclarations accusatrices d’anciens adeptes. Ils vivaient autour d’une femme, Kaveeta Bhavsaar, considérée comme la réincarnation d’une divinité indienne, capable de capter les âmes grâce à des fréquences spéciales qu’elle appelle « impulsion à proton à onde scalaire à vortex quantique – ou QVSWPP – la mère de toutes les fréquences, énergies et vibrations ».

La gourelle était installée depuis sept ans avec son mari Sunil Kumar Porumamilla dans la banlieue d’Auckland. Le couple se faisait appeler SreeMaaShriJi.

SreeMaaShriJi recrutaient à Singapour, en Malaisie, en Inde, en Australie et aux Pays-Bas, grâce à des séances de méditation en ligne. Ils attiraient également les adeptes avec la promesse de les débarrasser de toutes les radiations électromagnétiques émises par les téléphones portables, wifi… Ceux qui se sont inscrits ont d’abord été invités à des cours d’une heure, puis à des retraites de trois jours, chaque phase les plaçant lentement dans la hiérarchie. Le noyau du mouvement était constitué d’environ 12 personnes basées à Auckland appelées facilitateurs. Ces sessions se faisaient sans Bhavsaar qui prétend pouvoir canaliser les énergies à distance.

Les paiements étaient appelés « changes d’énergie » et pouvaient aller jusqu’à 800 dollars. Vers la fin, cet argent devait être versé en espèces. Bill Williams, professeur de physique à l’Université Massey, estime que l’utilisation du vocabulaire de la science physique rendait la gourelle convaincante alors qu’il n’était nullement approprié à ses allégations.

A son apogée, le groupe comptait 400 adeptes. Mais en 2018, des accusations de sabotage, de vol de propriété intellectuelle, de diffamation et d’abus psychologiques ont fait voler en éclat Kosmic Fusion et mis à mal le couple fondateur. Ces accusations émanaient principalement de deux adeptes, Iphigenie Amoutsias danseuse d’origine allemande et Joy Kuo originaire de Taïwan. Elles ont toutes deux été menacées d’être poursuivies en justice.

En 2012, Iphigenie Amoutsias avait immédiatement été séduite et impressionnée par le charisme de Kaveeta Bhavsaar. Iphigenie Amoutsias a pensé dans un premier temps que les confessions publiques imposées servaient à mettre en évidence les traits de caractères dont elle n’avait pas conscience avant de réaliser que ces sessions étaient une vraie torture psychologique. Bhavsaar qui la réprimait publiquement lui avait même prédit qu’elle se suiciderait un jour.

Peter Lineham, professeur d’histoire religieuse à la Massey University, pense que la confession publique instaurée dans un groupe sectaire sert à maintenir la loyauté et détruit la vie privée, ce qui en fait un outil puissant pour détruire la personnalité. Dans le même but, la délation entre adeptes est également encouragée. Même Amoutsias a formulé de longues critiques à l’encontre de Kuo la décrivant comme « une infiltrée vicieuse, maligne et dominatrice voulant prendre le contrôle du groupe ».

Joy Kuo a fait la rencontre du couple en 2012 lors d’une exposition consacrée au corps et à l’esprit. En 2017, elle a intégré l’ashram. Elle qui pensait avoir toujours été estimée par le couple, y a subi les pires brimades. Son téléphone, son passeport et son ordinateur lui ont été confisqués. Elle a dû rester trois jours agenouillée et sans nourriture alors que la gourelle l’interrogeait sans relâche et la frappait. Kaveeta Bhavsaar lui disait avoir le pouvoir de l’envoyer en enfer ou de la réincarner en un animal. Kuo était terrorisée.

La vie à l’ashram était pénible : les adeptes ne dormaient que quatre à cinq heures par jour. En plus de la privation de sommeil, Kosmic Fusion imposait aux adeptes un régime alimentaire particulier, des activités programmées et de nombreuses règles. Afin de limiter d’éventuels actes ou des conversations d’opposition, Bhavsaar prétendait qu’elle pouvait les surveiller grâce à l’analyse quotidienne de leur énergie corporelle. Les relations sexuelles avec des personnes « étrangères » au groupe étaient interdites car elles auraient attiré de mauvaises énergies.

L’autorité du couple a clairement été dénoncée : « Ils vous disent quoi dire et quoi penser, et vous écrasent si par malheur vous remettez en question quelque chose ».

Pour Bhavsaar, toutes ces accusations ne sont que de mauvaises interprétations : « Se présenter comme un dieu ne veut pas dire que je suis Dieu. » Elle estime qu’elle « était trop gentille, trop généreuse, trop empathique et qu’elle en paye le prix ».

Pour Mark Vrankovich, directeur de Cultwatch, une organisation de surveillance des sectes, pense que Kosmic Fusion agissait comme tous les groupes sectaires c’est-à-dire en ne révélant que progressivement sa véritable nature.

Quand Iphigenie Amoutsias a quitté le groupe, elle n’avait plus un dollar en poche. Elle s’est dit qu’elle avait perdu toute chance de « libérer son âme ». Le groupe s’est ligué contre elle.

Kuo estime quant à elle que Kosmic Fusion lui aurait coûté 100 000 dollars en temps, en argent et en perte de revenus en quittant son emploi de bibliothécaire universitaire pour faire du bénévolat à plein temps.

« Souvent, les personnes appartenant à des groupes très puissants comme celui-ci ont vraiment du mal à réintégrer leur vie et il existe une forte tendance au suicide » alerte Peter Lineham. Il rappelle que « les gens ont le droit de croire en tout, même le plus fou, mais n’ont pas le droit de maltraiter les autres ». Des membres ont admis se sentir coupés de l’extérieur, de leur famille et de leurs amis.

Pour le directeur de Cultwatch, Kosmic Fusion est une secte car les leaders manipulent et contrôlent leurs membres.  

(Source : Cultnews, 29.10.2019)